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Greg Twinney
Articles de fond
Magazine Pivot

Ce CPA utilise son sens des affaires pour créer un avenir durable

Son désir de faire bouger les choses, ainsi que ses compétences de CPA, ont conduit Greg Twinney au poste de PDG de General Fusion.

Greg Twinney Greg Twinney a d’abord rejoint General Fusion comme directeur financier en 2020, avant d’occuper le poste de directeur général en 2022. (Vishal Marapon)

Greg Twinney l’admet volontiers : non, au départ, il n’aspirait pas à exercer la profession de CPA. Pourtant, précoce, il avait manifesté tout jeune un vif intérêt envers les affaires. Déjà au secondaire, à New Market en Ontario, l’entrepreneur en herbe avait décidé de se lancer dans le lavage de vitres.

« J’avais des employés, des véhicules. Je n’étais pas tout seul. » Prêt à poursuivre ses études, le jeune homme avait à son actif un pécule rondelet, mais, au passif, un déficit de connaissances. Comment faire pour développer son entreprise? « Distinguer le bilan de l’état des résultats, optimiser la trésorerie, j’avais tout à apprendre. » Pour corriger ses lacunes, il s’inscrit en administration des affaires au Collège Seneca, à Toronto, puis accepte un poste aux comptes clients d’une entreprise de location d’autocars, Can-Ar Coach, qui s’était lancée dans des activités d’exportation à Cuba. Son côté audacieux le pousse toutefois à vouloir prendre les commandes, à foncer.

« Un contrôleur à Can-Ar m’a expliqué qu’un titre professionnel est essentiel pour monter, surtout en comptabilité. Que voulait-il dire au juste? Aucune idée. » Renseignements pris, Greg Twinney a découvert qu’il pouvait obtenir un tel titre tout en donnant libre cours à ses talents d’entrepreneur. Il s’est mis à partager son temps entre Cuba et Toronto, tout en faisant ses études pour devenir CPA. Puis, doué pour la finance, passionné par les technologies de rupture, il s’est engagé sur la voie où il chemine désormais.

Nul besoin d’un doctorat en physique nucléaire pour décrypter les grandes lignes de l’objectif de General Fusion, qui entend approvisionner la planète entière en énergie propre. Rien de moins. Imaginez un réseau électrique décarboné, qui acheminerait une énergie produite par fusion nucléaire sur tous les continents, sans GES, offerte à la demande. De la science-fiction? Eh bien, non. La fusion par confinement magnétique est déjà parmi nous, et on projette de la commercialiser vers le début des années 2030.

General Fusion a été fondée en 2002 par le physicien Michel Laberge, qui a depuis endossé le rôle de directeur scientifique. L’entreprise de Vancouver a des bureaux à Oak Ridge (Tennessee) et non loin de Londres. Elle mise sur un procédé de pointe, la fusion par confinement magnétique, qui remonte aux années 1970, mais dont la concrétisation dépendait des avancées de la physique des plasmas. Un potentiel colossal, puisqu’un seul kilo de combustible (deutérium et tritium) pourrait remplacer 55 000 barils de pétrole, 6 000 tonnes de gaz naturel ou 10 000 tonnes de charbon. De l’énergie à volonté ou presque, pour ainsi dire sans émissions : dans un contexte de décarbonation, General Fusion espère bien montrer la voie.

Une machine à General FusionLa fusion par confinement magnétique est connue depuis les années 1970, mais sa concrétisation reposait sur les avancées de la physique des plasmas. (Vishal Maranon)

Greg Twinney est monté à bord en 2020, comme chef des finances. Il a contribué à élargir le bassin d’investisseurs de l’entreprise, portée par un syndicat international où se côtoient sociétés de capital-risque en énergie, leaders de l’industrie et pionniers des technologies. En novembre 2021, General Fusion lance une ronde de financement de série E et récolte 130 M$ US. Parmi les principaux bailleurs de fonds, la Banque de développement du Canada (BDC), Temasek (de Singapour) et JIMCO (famille Jameel), mais aussi Tobias Lütke (de Shopify) et Jeff Bezos (d’Amazon). Greg Twinney a également participé à la mise sur pied du programme de démonstration imaginé par l’entreprise, qui entend créer le plus grand des prototypes de centrale de fusion par confinement magnétique.

Zoltan Tompa, qui pilote le portefeuille des technologies propres à la BDC et siège au conseil de General Fusion, a rencontré Greg Twinney en 2020. « On a vite compris qu’il menait bien sa barque. Il a eu tôt fait de gagner la confiance des acteurs clés, à la direction et à tous les échelons. C’est un véritable modèle, et les troupes lui font confiance. »

L’objectif de General Fusion, certes ambitieux, reste accessible, selon le principal intéressé, devenu chef de la direction en 2022. « Je suis l’interprète, le trait d’union entre la vision du fondateur et ce que nos investisseurs doivent en comprendre pour y croire. C’est le titre de CPA qui m’a donné le savoir-faire et les atouts voulus pour représenter le scientifique de génie qui a lancé le projet il y a 20 ans. Je suis le praticien qui démystifie la théorie pour mettre en confiance les investisseurs. »

Un rôle taillé sur mesure pour Greg Twinney, considère Zoltan Tompa. « S’il a choisi General Fusion, c’est aussi pour mieux lutter contre le réchauffement climatique. C’est son fil d’Ariane. Il n’est pas là pour briller, mais pour faire avancer les choses. »

À l’époque où Michel Laberge fondait General Fusion, Greg Twinney naviguait sur une tout autre vague, la montée en puissance d’Internet. Au début des années 2000, les regards se tournaient vers les jeunes pousses des technologies, en plein essor, où les capital-risqueurs injectaient des fortunes. On était à mille lieues du lavage de vitres et de la location d’autocars. « L’arrivée d’Internet va changer le monde, et je veux être de la partie », s’est dit Greg Twinney. « C’est là que je suis entré à CyberPlex. On a fait un premier appel public à l’épargne, et je suis devenu chef des finances. »
Hélas, échec cuisant, la bulle technologique éclate, mais Greg Twinney ne se décourage pas. Fort de ses assises solides, il a peaufiné ses compétences en exploitation et en finance dans les technologies, entre autres dans le domaine du logiciel-service. Il a notamment endossé les rôles de chef des finances et de chef de l’exploitation de Kobo, filiale d’Indigo, basée à Toronto, qui s’est hissée au rang des principaux détaillants de liseuses et de livres électroniques. S’est ajouté un passage chez Opalis Software, rachetée par Microsoft en 2009.

Son bagage de CPA lui a donné des armes à l’appui de ses talents d’entrepreneur, mais Greg Twinney souligne qu’il a dû faire preuve de discipline pour traverser les étapes exigées et obtenir le titre convoité. De quoi combiner sens des affaires et sens des chiffres, sources de valeur pour l’organisation. « Dans les technologies, j’ai appris à penser autrement, au-delà du raisonnement tenu dans les entreprises classiques. Étonnant mais vrai, on peut – et même on doit – dégager de la valeur à l’interne, en amont, avant le chiffre d’affaires, avant la rentabilité, surtout en technologie. »

Convaincre les bailleurs de fonds du bien-fondé d’une telle tactique n’avait rien d’une sinécure. Greg Twinney a tenu le pari, et a montré qu’il faisait entière confiance à son équipe, prête à passer à l’action. L’objectif : générer de la valeur pour la planète, pour l’entreprise, et pour les investisseurs, à long terme.

Un des événements marquants de la carrière de Greg Twinney a lieu en 2014. Il est alors vice-président directeur de Real Matters, une innovatrice en technologie, au confluent de l’immobilier, du crédit et de l’assurance.

À ce moment-là, Real Matters s’apprête à faire un premier appel public à l’épargne de 1 G$, du jamais vu au TSX en dix ans. Par hasard, l’entreprise a organisé une conférence qui tombe le jour où les parents sont invités à amener un enfant au travail. Greg Twinney s’y présente accompagné de son aînée, Olivia, 14 ans. « Je croyais qu’elle allait être très fière de me voir sur scène, que sa journée allait lui plaire », dit-il.

« Après mon exposé, je redescends de l’estrade et je viens rejoindre Olivia. Je l’interroge : “Alors, qu’en as-tu pensé?” Elle se penche vers moi et murmure : “Eh bien, au moins, tu m’as convaincue, pas question que je travaille dans ton domaine après mes études.” » Surpris, il lui demande des précisions. « Elle m’a rétorqué : “Tout ce qui vous intéresse, c’est l’argent, l’argent! Des pourcentages de milliers, de millions, de milliards. À quoi bon?” À ses yeux, ce que je faisais n’apportait rien d’utile au monde. »

Les mots francs de l’adolescente l’ont piqué, mais il fallait aller de l’avant. Le temps passe. Greg Twinney, nommé directeur des finances et de l’exploitation de Hootsuite, l’une des premières plateformes de gestion des médias sociaux, prend vite un autre virage. On est en 2018, et il saute sur l’occasion de travailler avec un autre entrepreneur, pour lui apporter une certaine structure, en particulier sur le plan des finances. « J’avais travaillé avec d’autres fondateurs pour relever la valeur de l’entreprise, ensuite vendue ou introduite en bourse. L’envergure de Hootsuite cadrait avec mon profil de compétences. »

Toutefois, il n’a pas oublié les paroles de sa fille, loin de là. Part de marché élargie, chiffre d’affaires en progression, rentabilité à la hausse, faut-il aussi voir autre chose que les chiffres? Revenant sur ses débuts, l’homme de 50 ans déclare : « Je me suis lancé en affaires parce que j’en avais envie, mais surtout, pour gagner ma vie. C’est la réalité. Et j’ai marqué des points dans la quarantaine, j’ai eu de belles victoires, peut-être au-delà de mes espérances. Cependant, j’ai fini par comprendre que le tout n’était pas forcément synonyme de bonheur pour moi. J’étais insatisfait, même si j’avais les moyens de m’offrir bien des luxes. C’est une pente glissante; accumuler des objets, dépenser à droite et à gauche, on n’est jamais rassasié. C’est une quête vide de sens, qui n’aboutit jamais. »

Greg Twinney devant les machines de General FusionLe passage à General Fusion a donné à Greg Twinney l’occasion d’avoir un impact positif dans un tout nouveau domaine. (Vishal Marapon)

Greg Twinney n’avait jamais entendu parler de General Fusion lorsqu’un chasseur de têtes l’a contacté pour tâter le terrain. Que dirait-il de tenter l’aventure? Il ne savait pas grand-chose de la fusion nucléaire, hormis quelques bribes qui restaient de lointains cours de physique au secondaire. « J’ai fait des recherches pour voir quelles perspectives s’ouvraient pour ce genre de technologie. J’ai vite compris que les débouchés de la fusion et ses impacts sur le marché étaient presque incommensurables. C’est une innovation qui va révolutionner l’économie. On parle d’une énergie propre tirée d’infimes quantités d’eau, sans déchet radioactif. C’est le Graal, un incontournable qui va tout changer. »

Greg Twinney voulait s’épanouir au quotidien. Il voulait faire en sorte que le travail soit porteur de sens pour la direction et le personnel. Telle est la mission que se donnent certains employeurs, mais ils peinent à la réaliser, a-t-il constaté.

« Le problème ne se pose pas pour General Fusion, qui veut changer le monde en produisant une énergie propre offerte partout. Le côté finances passe au second rang, vu la valeur intrinsèque dégagée. Il existe sans doute des manières plus simples de gagner sa vie, mais la mission de l’entreprise nous motive tous, les équipes et moi, alors chacun retrousse volontiers ses manches. »
Pour rester au fait des nouveautés et se donner les moyens d’agir, Greg Twinney se documente sur la physique (surtout la fusion, bien entendu) et suit attentivement les marchés de l’énergie. Il reconnaît toutefois que c’est son titre de CPA qui lui a valu d’être écouté par les décideurs de General Fusion. « Savoir lire un bilan, faire parler les chiffres en profondeur, expliquer leur sens pour l’entreprise, c’est aussi se démarquer à la table des dirigeants. Tels sont les atouts que m’a conférés le titre. »

Néanmoins, il faut encore creuser la question, à l’heure où Greg Twinney songe aux acquis qu’il laissera derrière lui. Évidemment, il se voit obligé de consacrer un temps considérable à ses fonctions, ce qui l’éloigne parfois de sa famille. « J’ai quatre enfants. Suis-je en train de troquer des moments privilégiés avec eux contre un travail qui, somme toute, se résume à une rémunération? Il serait dommage qu’ils pensent que j’échange notre temps contre de l’argent. »

Fort heureusement, ses enfants, en particulier Olivia, sont fiers de leur père. Qui parle encore et toujours de millions, de milliards, de milliers de milliards, résolu à faire avancer General Fusion. Mais freiner le changement climatique, voilà sans conteste une noble mission, tout le monde est d’accord.

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