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Séquence de 1 et de 0 avec une faible image d'une personne tenant la tête d'un squelette en dessous
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Magazine Pivot

Non, ChatGPT n’écrira pas le prochain grand roman que vous lirez

Les robots prennent la plume, mais la valse effrénée des algorithmes soulève un éventail d’enjeux éthiques, couplés à des considérations pratiques.

Séquence de 1 et de 0 avec une faible image d'une personne tenant la tête d'un squelette en dessousRédaction de lettres ou de discours, plaisanteries... Les gens utilisent la version gratuite de ChatGPT pour toutes sortes d’écrits. (iStock)

Faut-il redouter l’arrivée en trombe des systèmes d’intelligence artificielle (IA), qui bouleversent les idées reçues dans les sphères de l’image et de l’écrit?

Les auteurs et créateurs en tout genre, tout comme leurs donneurs d’ouvrage, se posent la question ces jours-ci, face à une avancée qui fait grand bruit, l’entrée en scène des algorithmes d’IA générative, qui débitent des chaînes de contenus, construits en réaction à la requête d’un utilisateur.

L’exemple qui a fait la une, c’est ChatGPT, robot conversationnel lancé par OpenAI en novembre dernier. Trois mois plus tard, pas moins de 100 millions d’internautes s’étaient rués sur la version gratuite du système pour rédiger lettres, discours et plaisanteries.

Les concurrents se sont engouffrés dans la brèche, et d’autres outils similaires ont vu le jour dans le monde de la représentation graphique. On pense aux avatars étonnants esquissés par l’application de portraits Lensa et aux images saisissantes dessinées par le système AI Time Machine de MyHeritage, où l’on se voit sous les traits d’un personnage du passé.

Certes, les résultats, parfois douteux, virent souvent à l’absurde. On parle peut-être d’un divertissement anodin, mais pour les créatifs qui voient l’IA leur dérober leur gagne-pain, l’angoisse est réelle. D’ailleurs, le magazine Forbes rapporte que la direction de BuzzFeed prévoit enrôler ChatGPT pour dynamiser son site, et notamment ses questionnaires ludiques. Une vision de cauchemar qui donne déjà des sueurs froides à nombre de journalistes et de graphistes.

« Est-ce là l’avenir qui nous attend? Absolument. Est-ce pour la semaine prochaine? Probablement pas », conclut Deval Pandya, directeur en ingénierie de l’IA à l’Institut Vector, OSBL de Toronto qui étudie l’intelligence artificielle, axé sur l’apprentissage machine et l’apprentissage profond. « Il reste du chemin à faire, mais les victoires sont fulgurantes. » Le chercheur rappelle toutefois que ces technologies, qui demeurent limitées, passent encore par l’invite d’un utilisateur. « Je crois qu’on s’arrachera plus que jamais le véritable talent de création. La pensée créative restera l’apanage de l’être humain. »

Les IA génératives pourraient cependant se voir confier la partie monotone, répétitive du travail de mise en page et d’écriture. « Les intéressés auraient le loisir de se consacrer à la création proprement dite », fait valoir l’expert. Et de faire référence à l’outil Codex d’OpenAI, qui accélère la programmation par une traduction du code en langage simple. « Est-ce que tous les emplois en programmation vont disparaître? Il est permis d’en douter, mais il y aura des gains d’efficience. »

Alors, peut-on s’attendre à ce que trois créateurs élaborent demain autant de contenu qu’une dizaine le font aujourd’hui?

Il est possible qu’une accélération se produise, estime Karina Vold, de l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des technologies de l’Université de Toronto, chercheuse principale à l’Institut Schwartz Reisman pour la technologie et la société. « Je présume que, pour l’instant, on demandera forcément à un être humain d’apporter un jugement esthétique et de donner son feu vert », tempère-t-elle.

Est-il souhaitable que les entreprises confient pareilles décisions à des machines? Des dilemmes éthiques se posent, d’autant que les données d’entraînement des IA ne sont pas neutres, loin de là.

« L’entraînement de ChatGPT se fait sur des textes d’origine humaine, et donc, en toute probabilité, teintés par le sexisme, le racisme, l’âgisme, les partis pris culturels, et j’en passe. Oui, l’équipe de ChatGPT a pris des mesures pour empêcher le robot de reproduire des points de vue tendancieux ou d’en amplifier les effets, mais une élimination complète des préjugés enracinés restera impossible. » Autrement dit, selon la professeure, un recours irréfléchi à cette technologie risque fort de perpétuer des idées nocives.

Mentionnons au passage que, pour ChatGPT, la vérité et l’exactitude sont dépourvues de valeur intrinsèque.

Karina Vold prévient que le robot « concocte des contenus plausibles, sans fautes manifestes, mais parfois erronés, voire saugrenus », et que certains l’utilisent pour ainsi dire comme un moteur de recherche. Conjuguée aux médias sociaux, la pratique comporte des risques réels. Va-t-on propager bien malgré soi de la désinformation? De quoi faire réfléchir les entreprises tentées de remplacer leur équipe de marketing par une IA générative.

Autre sujet de préoccupation pour les services juridiques, le droit d’auteur. D’ores et déjà, la banque de photos Getty Images a poursuivi Stability AI, à qui elle reproche d’avoir illicitement collecté et traité des millions d’images pour entraîner son IA générative.

L’experte reconnaît toutefois à ces technologies un véritable potentiel créatif. Là où notre capacité de calcul s’avère limitée par des réalités physiques, de l’espérance de vie au nombre de neurones, il en va autrement des machines, qui ne sont pas non plus tenues de suivre les conventions qui balisent la pensée. « Libres de certaines contraintes, les systèmes en question produisent des résultats inusités et défient certaines normes. C’est prometteur. »

Même son de cloche chez Deval Pandya, qui s’intéresse vivement aux prouesses qu’accompliront les IA génératives, au-delà du périmètre des arts visuels et de la rédaction. « Les systèmes d’IA peuvent accélérer rondement la découverte de médicaments et de matériaux utiles. Je pense au stockage d’énergie, au rayonnement solaire, ou encore à la modélisation des changements climatiques. Des solutions qui faciliteraient l’adaptation de l’humanité, se réjouit-il. J’ai hâte de voir les IA génératives faire leurs preuves, au-delà des mots et des images, à l’égard des problématiques scientifiques et sociales de l’heure. »

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