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Trois hommes se tiennent devant de grandes cuves de bière en argent.
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Des CPA achètent une brasserie… juste avant la pandémie

Propriétaires de l’enseigne Alley Kat, Zane Christensen et Cameron French plongent dans l’univers de la bière artisanale.

Trois hommes se tiennent devant de grandes cuves de bière en argent.Le cofondateur d’Alley Kat, Neil Herbst (à gauche), avec les successeurs Zane Christensen et Cameron French (à droite). (Photo Curtis Comeau)

Amis d’enfance, Zane Christensen et Cameron French, tous deux CPA, étaient destinés à s’associer. L’un rêvait de diriger une entreprise du palmarès Fortune 500, l’autre avait la vocation : « J’ai toujours voulu être entrepreneur », confie Cameron French. 

À présent, ils sont propriétaires de la brasserie Alley Kat à Edmonton, l’une des doyennes des brasseries indépendantes de l’Alberta. 

Les deux camarades avaient envisagé diverses pistes et possibilités, du lave-auto aux vins et spiritueux, et puis, ils avaient pris goût aux bières de qualité. Cameron, durant ses études en économie à l’Université Princeton au New Jersey, qui compte plus de 130 brasseries artisanales, et Zane, pendant un stage en Belgique, patrie de la bière, où la tradition brassicole a été inscrite au patrimoine mondial par l’UNESCO.

Dans la trentaine (et de retour au Canada), les deux amis ont flairé une occasion. En 2018, Zane Christensen a postulé chez Alley Kat, brasserie fondée par Neil Herbst et sa femme, Lavonne, en 1995. Il s’est même proposé comme partenaire stratégique. Les Herbst ont renâclé devant ses attentes salariales, mais il a senti que le couple, dans la jeune soixantaine, accepterait peut-être une autre proposition.

« Ils paraissaient envisager la retraite », se rappelle Zane Christensen. Il en a parlé à Cameron French, à qui l’alliance de la bière et des affaires semblait aussi naturelle que celle de l’orge et du houblon.

Six mois passent. En février 2019, Zane Christensen reprend contact avec Neil Herbst, qui se montre réceptif.

Après un an de négociations, Cameron French et Zane Christensen deviennent copropriétaires de l’entreprise, en février 2020. Un mois plus tard, la pandémie s’abattait sur le monde.

« La COVID nous a joué un sale tour, reconnaît Zane Christensen, et ce n’était pas le moment de reprendre une PME. »

Pourtant, la bière artisanale était en plein essor. Entre 2013 et 2021, le nombre de brasseries indépendantes en Alberta est passé d’une douzaine à plus de 130. Pour nombre d’entre elles, la consommation au détail jumelée à la vente en fût aux bars et aux restaurants représentait le gros du chiffre d’affaires, mais les confinements ayant tout paralysé, la bière a cessé de couler à flots.

À l’instar d’autres brasseries artisanales, Alley Kat a vite ouvert une boutique en ligne et a commencé à livrer à domicile. Avant la mise au point de la plateforme virtuelle, il a fallu prendre les commandes par téléphone et les entrer une à une dans des feuilles Excel.

Un homme tient une canette de bière devant une pile de canettes de bière.Pour Cameron French, copropriétaire d’Alley Kat, associer orge et houblon permet de marier son amour des affaires à celui pour la bière. (Photo Curtis Comeau)

Si les ventes de bière en fût dégringolaient, pour les canettes, le volume augmentait, année après année. La demande grimpait, comme les points de vente au détail de vins et spiritueux étaient restés ouverts, service essentiel oblige. Alley Kat était fin prête. « Nos activités s’y prêtaient », explique le fondateur, Neil Herbst.

Ce dernier, encore à bord comme conseiller pendant la première année, avait à l’origine deux objectifs : produire des bières destinées à une large distribution et se tailler une enviable réputation de qualité. Quand il avait lancé sa brasserie, les saveurs appuyées, l’arôme de houblon et même la robe ambrée de ses créations ne faisaient pas l’unanimité. Ils sont désormais omniprésents en Alberta.

Si son modèle reste axé sur la vente en gros, Alley Kat suit la tendance. Les amateurs prennent plaisir à faire des trouvailles en point de vente au détail, certes, mais aussi sur place, en salle de dégustation, à la source. 

Jason van Rassel, chroniqueur bière à Edify, magazine d’Edmonton, y voit une occasion à saisir. « Un potentiel inexploité depuis longtemps s’offre à Alley Kat, qui a tout à gagner. »

Établie en zone industrielle, Alley Kat pourra agrandir ses installations sans difficulté et miser sur la hausse des ventes en gros. « On pourrait prendre de l’expansion, acheter du matériel et recruter, sans alourdir les coûts outre mesure », explique Zane Christensen. À cela s’ajoutent de nouveaux débouchés à l’exportation. À preuve, depuis janvier 2021, Alley Kat propose sa bière à la framboise jusqu’en Suède.

Les deux associés savaient qu’en faisant l’acquisition d’une maison établie, ils se lançaient dans l’aventure avec une longueur d’avance.

« Ils ont pris la barre d’une entreprise connue, qui s’adossait à des marques de renom », souligne Neil Herbst.

« Nous avons eu de la chance », poursuit Zane Christensen.

Mais les deux partenaires n’entendent pas s’en tenir là. À leur âge, Neil Herbst avait tout à construire. Aujourd’hui, ils ont un patrimoine à faire fructifier.

« On a de belles années à vivre avant la retraite, de conclure Cameron French. On veut aller au bout des possibilités à développer et remodeler la brasserie à notre image. »

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