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Collage de cartes à collectionner
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Magazine Pivot

Les cartes de joueurs font un retour remarqué

La pandémie a ravivé la passion des collectionneurs prêts à payer le prix fort pour la perle rare.

Collage de cartes à collectionnerL’un des faits divers marquants de la pandémie aura été la folie qui s’est emparée des amateurs de sport, séduits par les cartes-souvenirs de lanceurs, d’attaquants et de quarts-arrières.

Si, à 10 ans, en 1979, vous aviez mis la main sur une carte de recrue O-Pee-Chee de Wayne Gretzky, il aurait été sage de la ranger en lieu sûr pendant une quarantaine d’années.

Beau morceau de carton, en effet, où l’on voit Gretzky portant les couleurs des Oilers. Malgré tout le plaisir que vous auriez eu à manipuler nonchalamment l’objet, le simple fait de savoir que 41 ans plus tard, une telle carte bien conservée trouverait preneur pour 1,2 M$ US (un record pour une carte de hockey) aurait sans doute suffi à vous ôter toute envie de jouer avec.

Nul n’aurait pu prévoir l’engouement qui s’est manifesté ces derniers mois pour les cartes de sports et autres objets de collection. Oui, on s’est rué sur le papier hygiénique et on a pétri son pain, mais l’un des faits divers marquants de la pandémie aura été la folie qui s’est emparée des amateurs de sport, séduits par les cartes-souvenirs de lanceurs, d’attaquants et de quarts-arrières.

Marc Juteau en a été un témoin de première ligne. Fondateur et président de Classic Auctions, spécialiste des ventes aux enchères de souvenirs sportifs, il a vu l’intérêt s’intensifier en temps réel, au cours d’une année mouvementée. « On disait que c’était un hobby, mais c’est devenu une affaire de gros sous », lance-t-il.

Avant mars 2020, la mise record se chiffrait à 3,3 M$ US, somme déboursée en 2016 pour une carte de baseball de qualité moyenne de 1909, illustrant l’arrêt-court Honus Wagner des Pirates de Pittsburgh. Mais depuis ce triste mois, ce record a été fracassé quatre fois. En janvier, une carte de Mickey Mantle de 1952 a été adjugée à 5,2 M$ US. Trois mois plus tard, côté basketball, nouveau sommet, on s’est arraché la carte de recrue de LeBron James (2003). La mise a monté à 5,2 M$ US, à égalité avec la fameuse carte de Mantle. En date d’avril 2021, au palmarès du top 10, toutes les ventes hormis celle de la carte de Wagner (2016) avaient été réalisées dans les 15 derniers mois.

La dernière fois que le marché des cartes-souvenirs s’était emballé, c’était au début des années 1990, mais les sommes échangées n’étaient pas du même ordre. Le contexte a changé. Pour établir la valeur d’une carte, un système de classification indépendant et rigoureux, qui atteste l’état de la carte, fait désormais autorité. La carte de recrue de Gretzky, cédée contre plus d’un million de dollars, avait été jugée parfaite (cote 10) – « gem mint », dans le jargon de PSA Authentication & Grading Services –, et donc extrêmement rare. Lors d’une vente aux enchères réalisée cette année, Classic Auctions a vendu un autre spécimen de la même carte, mais classé 6 (imparfaite), pour 7 872 $ CA. Une mise sans commune mesure avec la somme déboursée pour sa jumelle impeccable.

Pas facile de chiffrer le marché des objets-souvenirs dans son ensemble. Avant la pandémie, on estimait à 5,4 G$ US par an le créneau des échanges de souvenirs (cartes incluses) dans l’univers du sport (eBay, maisons de ventes aux enchères et détaillants). Aujourd’hui, bien malin qui pourrait se risquer à jauger la montée de l’an dernier : des chiffres qui ont doublé? Triplé? Pourtant, quand le virus a frappé, le marché s’essoufflait.

« Je m’inquiétais », raconte Chris Carlin, chargé de clientèle à Upper Deck, leader du secteur, établi à Carlsbad, en Californie. « D’ordinaire, c’est un marché qui évolue en phase avec l’économie, mais nous avons réalisé que l’engouement était solide, et même insensé. » Cloués à la maison, bien des amateurs de sport, rivés à un écran, dépensaient moins, si bien qu’ils avaient davantage de liquidités. 

« On a remarqué l’effet boule de neige, dit Marc Juteau. Voyant les prix monter, les collectionneurs se sont rués sur les cartes. »

Selon l’animateur Ken Reid, de Sportsnet, la disette d’événements sportifs a donné un souffle nouveau au marché. « En manque de sport à la télé, les passionnés se sont tournés vers d’autres moyens de se faire plaisir. Étoffer sa collection de cartes, c’était raviver la flamme. » Auteur de deux livres sur les cartes de hockey, M. Reid juge sa collection modeste, avec 60 000 unités. « Je suis un collectionneur dans l’âme », avoue-t-il, en rappelant que l’essence de cette passion, c’est le vécu derrière les morceaux de carton, les souvenirs d’enfance et les émotions qu’évoquent les héros comme Gretzky, Orr et Esposito.

Les avis divergent quant à la durée du phénomène actuel. Serait-ce une bulle susceptible d’éclater à tout moment? « Le haut de gamme aura toujours la cote », soutient Chris Thompson, gestionnaire de patrimoine de London, qui voit les cartes sous l’angle des investissements. Consulté par ceux qui envisagent de constituer une collection, il apporte sa lecture du marché : « Le rythme devrait ralentir à l’automne, avec le retour au bureau généralisé. Deux ou trois des facteurs ayant poussé le marché durant la dernière année ne seront plus dans l’équation. »

M. Thompson conseille de garder l’œil sur les valeurs sûres, comme Gretzky, Michael Jordan et LeBron James. « Ce sont les Apple, Microsoft et Amazon du milieu, cinq ou six grands noms qui tirent le marché. »

TENDANCES

Depuis le début de la pandémie, les ventes de jumelles ont le vent en poupe à la faveur des activités de plein air et les casse-têtes et autres jeux à l’ancienne sont de retour.