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Skan, le capteur de chaleur portatif utilisé pour détecter les mélanomes
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Magazine Pivot

La télémédecine se banalise et rend les tests à domicile possibles

La pandémie a mis en évidence des besoins criants. Bonne nouvelle, nos entreprises de technologie médicale innovent.

Skan, le capteur de chaleur portatif utilisé pour détecter les mélanomesLe sKan est un dispositif thermosensible qui facilite la détection des mélanomes. (Avec l’autorisation de Dyson Canada)

Depuis 2007, James Dyson, devenu richissime grâce à ses aspirateurs sans sac, décerne un prix à une création qui résout un problème épineux. En quatre ans, à deux reprises, le milliardaire britannique a sélectionné des dispositifs portatifs de diagnostic de cancer. En 2017, le prix d’environ 50 000 $ a été remis à l’équipe ayant conçu le sKan, un dispositif thermosensible facilitant la détection des mélanomes, portatif et abordable, né à l’Université McMaster. Et la Blue Box, outil d’aide au dépistage du cancer du sein par analyse d’urine, connectée à une appli, a aussi été choisie. Deux prototypes qui restent à commercialiser, mais la donne pourrait changer. Selon un sondage mené en 2020 par Inforoute Santé du Canada, OSBL fédéral chargé de promouvoir le numérique, moins de 5 % des contacts médecin-patient se faisaient par téléphone, texto ou visioconférence avant la COVID. Une proportion qui a grimpé à 60 % depuis. 

Les patients ayant évité les visites en personne et les hôpitaux ayant revu leurs priorités, le nombre de tests de dépistage s’est effondré. En Ontario, le nombre de mammographies a chuté de 97 % entre mars et mai 2020. En Alberta et en Colombie-Britannique, on a observé une baisse qui a pu atteindre 25 % pour certains tests de dépistage du cancer, entre mars et septembre. Le rythme a repris fin 2020, sans revenir au niveau de 2019, ce qui fait craindre une montée des cancers non détectés. 

Les tests à domicile, grâce à des appareils comme la Blue Box, pourraient combler le retard et réduire certains coûts (environ 60 $ plutôt que 240 $ pour une mammographie traditionnelle). « Avant mars 2020, on observait un sous-investissement dans le virtuel et le numérique », explique Mary Sanagan, associée spécialisée en technologies médicales chez Deloitte. « Mais la pandémie a été un moteur d’innovation et d’investissement. J’ai bon espoir que le tout mène à des soins plus que jamais centrés sur le patient. » 

Aiden Poole, un CPA albertain qui conseille des entreprises en technologie médicale, constate que la mise en marché des nouveautés n’a rien d’une sinécure. « Côté développement commercial, on observe deux ou trois ans de vaches maigres pour les entreprises en démarrage. » Les coûts d’investissement sont élevés, et il est difficile de trouver une clinique prête à tester les nouveaux produits. Mais il partage l’optimisme de Mme Sanagan. « Une jeune pousse avec une idée neuve, qui facilite les tests pour le médecin et le patient, a de fortes chances de réussir », soutient-il. Le marché redémarre quand les investissements sont à la hauteur, et le gouvernement fédéral a engagé 240 M$ pour accroître les capacités de soins en ligne. 

Des cliniciens osent dire que certaines innovations se cachent sous notre nez. Le Dr Mohammad Akbari, chercheur au Women’s College Hospital de Toronto, plaide pour un accès élargi à la collecte d’échantillons génétiques à domicile, afin de mettre en évidence des prédispositions au cancer. « Pour une Canadienne, le risque de cancer du sein est d’environ 10 % à 12 %. Cependant, en cas de mutations génétiques, comme la mutation BRCA, ce risque augmente à 60 %, voire à 80 %. Plus tôt on connaît ses risques, mieux on peut comprendre les choix possibles en prévention. En général, la prévention est moins coûteuse que le traitement. » 

Cela dit, les tests génétiques sont difficiles à obtenir et résultent d’un processus onéreux. Pour le patient, il faut l’approbation d’un conseiller en génétique, selon certains facteurs de risque tels que les antécédents familiaux. Le modèle a été mis au point il y a une vingtaine d’années, précise le Dr Akbari, en soulignant que même si le coût des tests a baissé (de 4 000 $ jadis à environ 300 $ aujourd’hui), les honoraires des conseillers, eux, ont augmenté. 

En attendant que le système change, le Dr Akbari dirige au Women’s College Hospital un programme appelé Screen Project, qui propose des tests à domicile à tout patient d’au moins 18 ans (250 $ US, aux frais du patient). Le Screen Project a été mis sur pied en 2017 en vue d’étudier la faisabilité des tests génétiques pour les marqueurs du cancer du sein, puis a été relancé en 2020 et élargi aux cancers des ovaires et de la prostate. Plus de 3 000 participants ont pris part à l’étude, ce qui a donné lieu à 1 269 tests. « J’aurais aimé qu’il y en ait encore plus, ajoute le médecin, mais tous les fonds vont au laboratoire. Nous n’avons pas le moindre budget de publicité. » 

Pour un coût similaire, Dynacare, de Brampton, propose aussi un test génétique : un échantillon de selles envoyé par la poste permet de dépister le cancer du côlon, au quatrième rang des cancers les plus fréquents. « Les analyses de selles jouent un rôle clé dans la détection du cancer du côlon », explique Elizabeth Holmes, directrice principale aux politiques et à la surveillance, à la Société canadienne du cancer. Elle insiste : les résultats ne s’accompagnent jamais d’un diagnostic de cancer.  « En présence de signes avant-coureurs, on consulte son médecin. Le test, espérons-le, permettra de réduire le nombre de patients non diagnostiqués. »  

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Voyez en quoi les tests pharmacogénétiques sont le dernier avantage qu’imposent certains employeurs et comment une puce implantée dans la main permet de déverrouiller des portes et de consulter des sites Web.