Passer au contenu principal
Cardinal House, un prototype de maison préfabriquée en bois massif
Articles de fond
Magazine Pivot

Et si l’avenir de la construction passait par le bois d’ingénierie?

Compte tenu de l'augmentation constante de la population mondiale, certains y voient une solution durable à la pénurie de logements.

Cardinal House, un prototype de maison préfabriquée en bois massifElement5 a bâti Cardinal House, une habitation conçue pour répondre aux besoins des communautés autochtones vivant dans les réserves. (Avec l’autorisation de Element5 Co/Mark Hemmings)

On dit qu’au centre-ville des métropoles se dressent des forêts de béton et d’acier. Depuis quelques années, la métaphore est encore plus juste, grâce à un matériau de construction durable de plus en plus populaire : le bois d’ingénierie.

« De plus en plus d’entreprises se rendent compte qu’il est rapide et abordable de construire avec nos produits », explique Patrick Chouinard, fondateur d’Element5, producteur ontarien de bois d’ingénierie. On parle ici de piliers, de poutres et de grands panneaux structuraux composés de plusieurs couches et pièces de bois collées, vissées, chevillées ou clouées. Ces éléments restent en général à l’intérieur du bâtiment, à l’abri des intempéries. La technologie s’est répandue en Europe, où le lamellé-croisé, communément appelé CLT, pour Cross Laminated Timber (on colle des couches de bois séché au four, chacune étant perpendiculaire à la précédente), a été inventé dans les années 1990. Structurellement comparable au béton, le CLT a créé une révolution qui a gagné l’Amérique du Nord, où la production a décuplé depuis 2010.

En 2017, le gouvernement a promis 39,8 M$ pour encourager l’utilisation du bois dans des projets de construction non traditionnels, comme ceux de grands immeubles. « Nous pouvons contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en créant des emplois pour les Canadiens et des occasions d'affaires pour les entreprises du pays », a déclaré Jim Carr, alors ministre des Ressources naturelles.

Collage d'images: un ouvrier a enlevé l'excès de colle du bord d'un panneau nervuré; panneaux de bois assemblés par des adhésifs; bois lamellé-colléUn ouvrier retire l’excès de colle sur les côtés d’un panneau dans l’usine de Ripon, au Québec; les panneaux de bois sont assemblés au moyen d’adhésifs ou d’attaches mécaniques traditionnelles, comme ces vis structurelles. (Photos Guillaume Simoneau)

Cela dit, on s’interroge sur la viabilité du CLT à grande échelle. Les critiques, comme les spécialistes du Center for Sustainable Economy, en Oregon, se disent préoccupés par les émissions de CO2  produites par l’exploitation forestière, puis par la fabrication et le transport. Ne rendent-elles pas les bois réinventés aussi nocifs pour l’environnement que tout autre matériau? Des difficultés se présentent aussi sur le plan commercial. « Rares sont les architectes et ingénieurs qui savent concevoir des immeubles en bois d’ingénierie, déplore M. Chouinard. Nous avons vite compris que notre réussite passait par la prestation d’un large éventail de services professionnels, de la planche à dessin aux étapes finales de la construction. »

Avec l’aide d’investisseurs, dont Tom Kennedy et Frank Dottori de Kensington Capital, que M. Chouinard appelle « le parrain de l’industrie forestière de l’Ontario », Element5 s’apprête à ouvrir une usine de 137 000 pi2 à St. Thomas, en Ontario, d’ici la fin de l’année. Un investissement de près de 50 M$.

Pour Anne Koven, directrice générale du Mass Timber Institute de l’Université de Toronto, cette usine témoigne du potentiel du CLT, ce bois d'ingénierie réinventé. Plus du tiers du Canada est couvert de forêts, pour la plupart inexploitées : l’an dernier, l’Ontario n’a récolté que la moitié du volume de bois qui, selon les forestiers, pouvait être prélevé sans nuire au renouvellement de la ressource.

« En foresterie, le développement durable prévaut, souligne Mme Koven, et nous tenons à tirer le plus de valeur possible de chaque arbre. » À la différence du béton, qui compte pour 8 % des émissions mondiales de CO2, le bois séquestre le carbone.

D’ici 30 ans, la population mondiale passera de 7,7 milliards à 9,7 milliards. Le bois d’ingénierie serait la seule solution durable pour éviter la crise du logement, font valoir ses adeptes. La moitié de l’humanité vit dans des centres urbains, et selon l’ONU, cette proportion devrait passer à 68 % d’ici 2050. 

« Impossible de continuer à construire comme on l’a toujours fait. Le béton et l’acier diffusent tant de CO2 dans l’atmosphère qu’on arrive à un point de déséquilibre, rappelle M. Chouinard. Le bois reste un matériau à privilégier dans le contexte de la lutte contre les changements climatiques. »

VERT DE NATURE

Voyez comment CPA Canada aide les décideurs à comprendre les questions complexes liées à la préservation d’un environnement durable et à la résilience en affaires. Vous pouvez aussi lire le Mémoire présenté en ligne dans le cadre de l’approche du Canada face aux changements climatiques ou voir le travail accompli par le Réseau de leadership des chefs des finances : Section canadienne du projet Association pour la comptabilité durable (ACD).