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Collègues de réflexion et de dessin à bord
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Magazine Pivot

Pourquoi le Canada doit simplifier ses programmes d’incitatifs fiscaux

Le travail de concertation avec l’ARC contribuera à l’atteinte de cet objectif.

Collègues de réflexion et de dessin à bordL’entente sur un cadre de travail, signée par l’ARC et CPA Canada, vise à favoriser la collaboration et ainsi garantir « le bon fonctionnement du régime fiscal ». (Getty Images/Compassionate Eye Foundation/Gary Burchell) 

Vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, afin d’amener les entreprises à investir davantage dans la recherche et le développement, axes porteurs de productivité et d’innovation, le Canada remaniait certaines dispositions fiscales. C’est de là que viennent les crédits d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, aujourd’hui encore un levier clé pour le pays. Offert aux entreprises de toute taille dans tous les secteurs, le Programme de la recherche scientifique et du développement expérimental (RS&DE) ouvre droit à des encouragements fiscaux en fonction des dépenses admissibles. Pour les entreprises, c’est le principal appui au financement en recherche-développement, à raison de plus de 3 G$ par an en incitatifs fiscaux. Sont ainsi soutenues une foule d’activités qui favorisent la compétitivité du Canada dans l’économie mondiale du savoir.

Il reste que le Programme de la RS&DE a connu son lot de difficultés. De fait, les demandeurs et les fonctionnaires ne s’entendent pas toujours sur la nature des dépenses admissibles. Échaudées par les exigences à respecter et insatisfaites des avantages obtenus, nombre d’entreprises de taille moyenne ont abandonné leurs demandes d’encouragements fiscaux pour la RS&DE – en 2014, on comptait 30 000 demandeurs, contre 20 000 en 2019. Pire encore, ces abandons se sont souvent produits aux étapes de commercialisation et d’expansion, des stades de développement où nos entreprises accusent un retard attesté. Le budget de mars 2019 a atténué le problème en éliminant la limite fondée sur le revenu imposable de l’exercice précédent, mais l’ARC devra aller encore plus loin pour repenser le Programme.

L’une de nos réserves, c’est que l’ARC l’administre, semble-t-il, strictement du point de vue de l’autorité fiscale. L’Agence étant chargée de percevoir les impôts et de veiller à l’observation des lois par les contribuables, il lui est certes difficile de prendre en main un programme d’incitatifs qui, au total, se chiffrent à des milliards de dollars. Ainsi, il se pourrait que l’ARC évalue les demandes de crédit d’impôt en procédant comme si elle menait un contrôle fiscal, et qu’elle exige le respect de critères plus stricts que ceux de tout autre organisme subventionnaire. Cela dit, en ce qui concerne le Programme de la RS&DE, l’ARC s’est recentrée sur le service et la coopération; c’est un pas en avant.

La profession comptable joue un rôle crucial dans les réformes en cours. L’entente sur un cadre de travail, signée par l’ARC et CPA Canada, vise à favoriser la collaboration et ainsi garantir « le bon fonctionnement du régime fiscal », notamment à l’égard du Programme de la RS&DE. À la lumière des commentaires de nos membres, nous avons recommandé à l’ARC non seulement de moderniser le Programme, mais aussi d’accélérer le traitement des demandes et d’en réduire la complexité; de corriger les incohérences; et de mieux guider les professionnels en exercice.

Nous voulons aider l’Agence à assouplir les dispositions pour pouvoir mieux accueillir les questions qui ne manqueront pas de surgir : l’entrepreneur qui innove compose en général avec des incertitudes technologiques; mais il s’avère plus difficile qu’auparavant de déterminer si elles donnent droit aux encouragements fiscaux pour la RS&DE. Qu’en est-il, par exemple, d’une innovation fondée sur une combinaison inédite ou expérimentale de technologies existantes? Les demandes de certaines entreprises en démarrage dans la sphère des technologies ou de l’intelligence artificielle ont été refusées, parce que le développement de leurs produits, certes novateurs, ne faisait pas l’objet d’une incertitude scientifique ou technologique à surmonter.  [Voir RS&DE : 3 questions à se poser avant de demander un encouragement fiscal]

Dans le cadre de notre partenariat avec l’ARC, nous avons participé à des symposiums sur la RS&DE, notamment comme commanditaire, et à un remue-méninges où les intéressés ont suggéré de remanier le processus de demande, d’étoffer les renseignements fournis aux demandeurs, et d’accélérer le traitement des dossiers. Comme elle l’a souligné dans un symposium récent, l’ARC s’est donné trois priorités : clarifier l’admissibilité, rationaliser le fonctionnement et bonifier le service. On veut que les entreprises puissent déterminer leur admissibilité en se reportant à des exemples sectoriels et à des outils d’auto-évaluation conviviaux; et que les fonctionnaires puissent traiter les demandes sans délai, avec cohérence. Dans une optique de service, l’ARC entend aussi faire connaître le Programme de la RS&DE au public, demander aux utilisateurs quelles améliorations apporter et aider les intéressés à obtenir les encouragements fiscaux auxquels ils ont droit.

Au-delà des particularités techniques, prenons du recul : n’oublions pas qu’un programme d’incitatifs bien rodé encourage fortement les sociétés étrangères à installer leurs centres de vente et de distribution ainsi que leurs laboratoires d’innovation au Canada. Soulignons-le, certains incitatifs fiscaux équivalents offerts dans d’autres pays sont généralement plus accessibles, ce qui peut inciter les innovatrices à s’y installer.

Bien entendu, la RS&DE n’est ni le seul facteur considéré par les entreprises innovantes ni notre unique point de collaboration avec l’ARC. CPA Canada collabore avec l’Agence sur plusieurs autres fronts, notamment pour améliorer les services électroniques (services TED et Préremplir ma déclaration), lutter contre l’économie clandestine, et faciliter les interactions entre les praticiens et l’ARC. Issues de l’entente sur un cadre de travail, ces activités visent à renforcer le régime fiscal, pour apporter des avantages aux contribuables comme aux membres. Vu ses retombées positives sur le Programme de la RS&DE, nous sommes convaincus que notre partenariat continuera à simplifier les étapes de la déclaration de revenus. Mais pour aller encore plus loin, il faut sans plus tarder mener un examen exhaustif et indépendant de notre régime fiscal tout entier.

CPA Canada invite ses membres à s’exprimer sur les questions fiscales en suspens qu’ils aimeraient voir résolues. Envoyez vos suggestions à [email protected].

POUR EN SAVOIR PLUS

Découvrez les principes fondamentaux de la RS&DE au Canada dans ce cours en ligne proposé par CPA Canada (offert en anglais seulement). Au programme : un aperçu des programmes fédéral et provinciaux en matière de RS&DE, les catégories de dépenses et les exigences de conformité.