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L’entraîneur australien F45 et un client participant à un cours de «conditionnement physique fonctionnel» ultra-rapide
Articles de fond
Magazine Pivot

Montée dynamique pour un style d’entraînement très énergique

F45, jeune entreprise australienne, offre des séances d’entraînement intense pour les gens pressés. Ambitieux, son projet d’expansion au Canada est des plus sportifs.

L’entraîneur australien F45 et un client participant à un cours de «conditionnement physique fonctionnel» ultra-rapideLes cours chez F45 ne durent que 45 minutes mais on s’y entraîne à toute allure, en variant les exercices, par intervalles, et le temps file à un rythme fou. (Avec lautorisation de F45) 

Oh oui, j’ai transpiré. Tous en chœur, on a enchaîné sans merci enjambées en flexion, lancers de ballon d’exercice, push-ups à la verticale, suspendus par les chevilles (comme les canards laqués dans les vitrines des restaurants chinois). Je haletais. Et puis, soudain, l’inattendu : les participants à mon premier cours de conditionnement physique F45 ont pris le chemin de la sortie. « On a fini! », a dit le joyeux prof aux mollets tatoués. Fiou! Excellente nouvelle, quoique déroutante. On venait de commencer, non?

Au studio F45, les cours ne durent que… 45 minutes, justement. On s’entraîne à toute allure, en variant les exercices, par intervalles, et le temps file à un rythme fou. Ce nouveau mode d’entraînement par circuit, qui a bien vite franchi les frontières de l’Australie, est offert par environ 1 500 studios dans 43 pays. Une innovation qui répond à deux contradictions : nous sommes trop occupés et trop sédentaires. Nous trimons de longues heures, surchargés, en abattant le travail grâce aux technologies. Mais, rivés à nos écrans, nous restons assis : les Canadiens sont immobiles pendant 69 % de la journée. Gare aux problèmes de santé, de la prise de poids au cancer. D’où la solution de F45, conçue pour une époque aux cadences infernales.

F45 s’inscrit dans une nouvelle tendance, l’« entraînement fonctionnel ». On privilégie des mouvements de rééducation pour développer la force et la résistance qu’exigent les tâches quotidiennes, comme déneiger une entrée ou ranger les provisions (soulever des sacs de sable, se lever d’un banc sans les mains, déplacer des haltères russes). Ces mouvements se font par courts intervalles à haute intensité, suivis de périodes de récupération, statique ou dynamique. C’est comme le CrossFit, mais en toute sécurité, sous l’œil attentif des entraîneurs, grâce aux mouvements étudiés. (Conçus en Australie, les programmes sont diffusés dans le monde entier pour varier quotidiennement les exercices.)

L’année dernière, F45 a réalisé une percée majeure au Canada. Une centaine de franchises arborent le logo bleu, rouge et blanc, de Vancouver à Halifax. Forte de plus de 10 000 membres actifs, l’entreprise prévoit doubler ce chiffre d’ici 2020. L’objectif que se donne Rob Deutsch, fondateur australien et chef de la direction : « Un studio F45 à un quart d’heure, pour tous les Canadiens. » 

Paul Smith s’est mis de la partie. Ancien CPA, il gère une franchise F45 à Toronto, et deux autres à London. Je lui ai dit que je revenais d’un cours et que j’avais failli mourir. Sa réponse : « Dans le bon sens du terme, non? »

M. Smith a travaillé dix ans à Toronto, chez BDO et dans la compagnie d’assurances de son père, mais il rêvait d’entrepreneuriat. Quand un ami est revenu d’Australie en vantant la méthode F45, il s’est envolé pour Sydney. En 2015, il devenait copropriétaire de la première franchise au Canada, installée dans un ancien studio de cardiovélo, au cœur d’un quartier jeune de Toronto.

« Les clients ne veulent pas perdre leur temps et errer en salle de musculation. Ici, il suffit de passer la porte et les résultats suivent. Je n’avais jamais rien vu de pareil : un entraînement personnel, dans une atmosphère conviviale. » Si conviviale qu’il y a rencontré sa femme, avec qui il a déménagé à London pour ouvrir deux autres studios.

La clientèle cible de F45? Les 20-45 ans qui visent un maximum de résultats en un minimum de temps.

La croissance effrénée de F45 est à l’image du rythme soutenu de ses entraînements. Mais pour se développer si vite, il faut faire confiance aux franchiseurs, appelés à répondre aux attentes, loin du siège social. D’où des risques, selon Stuart MacDonald, consultant torontois qui investit dans de jeunes entreprises : « Toute stratégie de forte expansion soumet l’équipe centrale à un stress considérable. »

Un rapport du cabinet d’études de marché IBISWorld révèle que le secteur de la forme physique est en plein essor au Canada : un chiffre d’affaires de 4,5 G$ et une croissance annuelle de 6,8 %, entre 2014 et 2019 (F45 reste discrète sur son chiffre d’affaires). La stratégie est d’imposer sa marque aussi vite que possible, afin de gagner une longueur d’avance. Mais c’est un marché encombré; les clients sont capricieux. « Vous investissez dans un réseau de salles autour d’une nouvelle idée. Et si l’intérêt retombe et qu’une autre tendance apparaît? », fait valoir M. MacDonald. Les modes vont et viennent. Certaines durent, d’autres sombrent dans l’oubli.

Il reste que les recherches menées par Canfitpro, principal organisme de certification de professionnels du conditionnement physique au Canada, montrent que l’entraînement fonctionnel, bon premier par sa croissance, a le vent en poupe. Pour autant, F45 ne semble pas cibler les aînés soucieux d’éviter les maux de dos. Les X et les Y étaient les plus représentés dans le cours que j’ai suivi. Ma quarantaine détonnait. Et ce n’est pas donné : une semaine de cours illimités coûte entre 60 et 68 $. Cependant, les trentenaires, dit-on, privilégient les expériences, y compris sportives, aux acquisitions. Au lieu de faire comme leurs parents et de s’acheter une familiale, ils s’abonnent à un cours d’entraînement dynamique.

« Les professionnels pressés, dans la tranche des 20-45 ans, voilà notre clientèle cible, mais nous accueillons tout le monde, sans égard à la condition physique et à l’âge, dit M. Smith. En fait, tous ceux qui recherchent l’efficience. » Voilà le dénominateur commun entre les générations, y compris en salle de sport. Le maximum de résultats en un minimum de temps. Et lorsqu’une nouveauté tient ses promesses, on fonce sans hésiter. Quitte à passer à autre chose le lendemain.