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Gros équipement agricole robotique sans équipage travaillant dans un champ agricole "
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Articles de fond

Des robots qui jouent les agriculteurs

Cueillette de baies, traite des vaches, les robots prennent la relève dans l’agriculture.

Gros équipement agricole robotique sans équipage travaillant dans un champ agricole Un robot de Harvest CROO en pleine action (avec l’autorisation de Harvest Croo Robotics)

Dans une ferme laitière d’Islande, un robot guidé par laser place des gobelets trayeurs sur les pis d’une vache. En Floride et en Californie, des cueilleuses sillonnent un champ de fraisiers tandis que leurs bras longs et fins en récoltent délicatement les fruits. Et en Saskatchewan, un semoir répand des grains d’orge en suivant une chorégraphie savamment réglée.

Les robots sont l’avenir du paysage agricole. Selon un rapport du cabinet britannique d’études de marché IDTechEX publié en 2018, l’agriculture autonome et l’agriculture de précision pourraient révolutionner le secteur. Par ailleurs, le marché des robots et drones agricoles devrait atteindre 35 G$ US d’ici 2038.

La croissance de la population est un des facteurs qui stimulent l’innovation en robotique agricole, explique Biren Agnihotri, leader en automatisation intelligente et associé au sein du groupe des services consultatifs d’EY Canada. « En 2050, la population mondiale atteindra environ 9,6 milliards de personnes, dit-il, et les besoins en nourriture seront 70 % plus élevés qu’aujourd’hui. »

D’après les statistiques d’EY, en 1960, on comptait un agriculteur pour 26 personnes, alors qu’aujourd’hui, on en compte un pour 155 personnes. D’ici 2050, on s’attend à ce que ce chiffre bondisse à 265, une croissance qui provoque une révolution agricole numérique. Or, le Canada est bien placé pour mener cette transformation, compte tenu de son rôle prédominant dans le secteur de l’intelligence artificielle (IA).

En Saskatchewan, le virage est déjà bien amorcé. Dot, une plateforme autopropulsée, y est à l’essai. Conçu pour accueillir divers équipements (semoir, pulvérisateur ou chariot à grain), le véhicule autonome en forme de U s’adapte aux besoins de l’agriculteur. À 260 000 $ US, ce tout-en-un pourrait bien être une aubaine : achetées séparément, ces machines haut de gamme peuvent coûter jusqu’à 600 000 $. Il serait même plus économique que bien des tracteurs. « Dot n’a pas besoin d’un climatiseur ni d’un siège confortable, dont sont habituellement munis les tracteurs », explique le fabricant.

De l’avis de Stuart Person, CPA, CA, directeur national des producteurs primaires au cabinet de conseils MNP d’Edmonton, le recrutement de main-d’œuvre est un défi important en agriculture. 

Harv, un robot cueilleur de baies équipé de plusieurs bras robotisés, abat le travail de 30 personnes à lui seul.

« Vu que l’offre est limitée et que la demande ne cesse de croître, les employeurs n’ont d’autre choix que d’augmenter les salaires pour attirer et fidéliser les travailleurs qualifiés. » Grâce aux robots, les agriculteurs pourront faire des économies, en se passant notamment de travailleurs saisonniers.

La robotique pourrait aussi apporter des solutions au regard de la crise qui se prépare. En effet, en 2016, M. Agnihotri estimait que 54 % des travailleurs ruraux étaient âgés de 55 ans ou plus et prendraient leur retraite au cours de la décennie suivante. « Ils emporteront avec eux leur vaste savoir-faire. Nous devrons donc trouver des façons de combler l’écart entre l’offre et la demande. » 

En attendant, le nouveau visage de l’agriculture fait des sceptiques sur le terrain. « Les réactions des agriculteurs sont diverses, raconte Leah Olson-Friesen, chef de la direction de Dot Technology. Ils sont soit emballés, soit inquiets. Les doyens du secteur, notamment, ont du mal à imaginer une ferme sans tracteur. »

« Quand on voit la machine à l’œuvre pour la première fois, c’est déconcertant et emballant, poursuit Mme Olson-Friesen. Mais les agriculteurs ne mettent pas longtemps à réaliser que si la machine n’a pas besoin d’eux, ils pourront se consacrer à autre chose. »

En Californie, le producteur de baies Driscoll a investi dans diverses technologies robotiques pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre. L’une d’entre elles, un robot cueilleur de baies développé par la société Harvest CROO Robotics, fait le travail de 30 personnes. Harv est doté de plusieurs bras automatisés ayant chacun une tâche précise : l’un d’eux soulève les feuilles, un autre inspecte les fruits et analyse leur degré de maturation au moyen d’un outil d’intelligence artificielle, et le dernier cueille et emballe les baies mûres.

Le pulvérisateur autonome GUSS (Global Unmanned Spray System), de Fresno, en Californie, a quant à lui des airs de tank de guerre à la Mad Max. Conçu pour sillonner les vergers (le signal du GPS n’étant pas toujours fiable sous la canopée), le véhicule aérodynamique se déplace tout en aspergeant les arbres fruitiers de pesticides. À partir du fourgon de contrôle, l’opérateur peut gérer jusqu’à 10 robots à la fois. 

Et ce n’est pas tout. Désormais, les robots peuvent aussi collecter des données sur le bien-être des vaches : la société irlandaise Cainthus a développé une technologie d’IA qui, couplée à un dispositif de reconnaissance faciale, recueille chaque jour… 864 000 données uniques par animal!

Le fabricant s’est associé au géant de l’agroalimentaire Cargill pour implanter sa technologie dans les fermes laitières. Au Canada, plusieurs producteurs l’utilisent déjà. Grâce à des caméras de surveillance et à une base de données de comportements connus, le système génère de l’information sur l’alimentation et la santé des vaches. Les producteurs peuvent donc avoir un œil sur l’ensemble de leur troupeau et savoir quand leurs vaches sont malades, sont sur le point de mettre bas, ou ne produisent pas suffisamment de lait. La technologie n’a pas fini de nous étonner!