L’IA-blanchiment et ses répercussions
En 2024, nous assistons à une « ruée vers l’or » des temps modernes. Qu’il s’agisse d’outils de gestion aux fonctionnalités avancées ou d’outils axés sur le mieux-être et le divertissement, l’IA est en plein essor, et les investisseurs se bousculent pour avoir leur part du gâteau.
Selon les projections de PwC, l’IA devrait contribuer à l’économie mondiale à hauteur de 15,7 T$ US d’ici 2030. Et selon le rapport de Stanford sur l’indice d’intelligence artificielle pour 2024, le nombre d’entreprises d’IA nouvellement financées à l’échelle mondiale a bondi à 1 812, une augmentation de 40,6 % en un an.
Mais les grandes possibilités ne vont pas sans risques, en l’occurrence celui de surestimer l’impact de l’IA, voire d’exagérer ses capacités. La technologie « Just Walk Out » d’Amazon, qui a récemment fait les manchettes, en est un parfait exemple. L’entreprise se vantait d’offrir un service d’épicerie sans caisse basé sur l’IA, des capteurs suivant automatiquement les achats, de sorte que les clients pouvaient magasiner sans passer à la caisse. Or, on a révélé en avril que la plupart des transactions devaient être vérifiées manuellement par quelque 1 000 personnes situées en Inde.
Selon Melissa Robertson, directrice de projets, Recherche et leadership intellectuel (Technologies), à CPA Canada, ce type de surenchère, voire d’affirmations trompeuses, ne date pas d’hier. Cette pratique a cours depuis longtemps, notamment avec l’écoblanchiment. Le problème est le même ici : la communication d’informations fausses aux clients ou investisseurs.
Comme lors de la ruée vers l’or, le problème réside en partie dans un sentiment général d’anarchie dû à l’absence de réglementation ou de définition officielle de l’IA. « Parfois, la technologie en question n’est pas vraiment de l’IA, mais un système automatisé ou un autre outil d’analyse. On parle de blanchiment lorsqu’une entreprise prétend faussement qu’elle utilise l’IA ou investit dans cette technologie ou encore qu’elle réalise de ce fait des progrès », explique Melissa Robertson.
En cette matière, le législateur est à la traîne. La notion d’« écoblanchiment » fait partie du paysage depuis 1986, mais ce n’est qu’aujourd’hui que le Sénat du Canada entreprend de modifier la Loi sur la concurrence pour traiter spécifiquement des déclarations environnementales trompeuses. Nous sommes encore loin du compte en ce qui concerne le marketing de l’IA. « De nombreux projets sont en cours (sur la réglementation de l’IA), mais ils en sont au stade préliminaire. On examine simplement comment la technologie est utilisée et comment les systèmes d’IA sont conçus, pour empêcher l’utilisation de systèmes à très haut risque sans contrôles appropriés ».
Mais ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de règles qu’il n’y a pas de conséquences. Plus tôt cette année, la Securities and Exchange Commission a imposé à Delphia (USA) Inc., conseiller en investissement de Toronto, et à Global Predictions Inc. des amendes totalisant 400 000 $ US pour avoir produit des déclarations trompeuses concernant l’utilisation de l’IA.
À l’instar de l’écoblanchiment, l’IA-blanchiment comporte d’autres risques. « Si une entreprise prétend utiliser l’IA et qu’il s’avère que c’est faux, les clients vont s’interroger sur son honnêteté. Il en va de la réputation de l’organisation. Si vous trompez les investisseurs et qu’ils injectent des capitaux dans votre entreprise parce qu’ils voient du potentiel dans la technologie, mais qu’il se trouve que vous ne l’utilisez pas réellement, il pourrait y avoir matière à litige », explique Melissa Robertson.
« De façon générale, les organisations doivent être prudentes quant à l’utilisation qu’elles disent faire de l’IA et à la manière dont elles l’utilisent réellement. Même si l’IA-blanchiment n’est pas réglementé, il n’en va pas de même des affirmations trompeuses faites par les entreprises. »