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Deux collègues en reunion
Comptabilité
Durabilité

Environnement, société et gouvernance, une stratégie à bâtir pour les petits et moyens cabinets

Les petits et moyens cabinets n’ont pas d’obligations d’information en ce qui a trait aux facteurs ESG, mais il leur faut prendre le virage de la durabilité.

Deux collègues en reunionLes CPA sont appelés à faire le point sur les grandes lignes des facteurs ESG, sur les répercussions à prévoir pour leurs activités, et sur les attentes des clients, en quête d’orientations (Getty Images/mihailomilovanovic)

Qu’on se le dise, la stratégie environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) compte autant pour les petits cabinets que pour les grands. Il est vrai que les petits et moyens cabinets n’ont pas d’obligation d’information en ce qui a trait aux facteurs ESG. Cela dit, comme le client peut néanmoins être curieux de savoir comment ils se positionnent sur la durabilité, tous les cabinets ont intérêt à se préparer à répondre à ses questions.

« Les facteurs ESG nous touchent déjà et se répercutent sur l’économie canadienne », souligne le CPA Edward Olson de MNP, associé et leader national, ESG. « Pour s’adapter à l’évolution du monde des affaires, les cabinets petits et grands devront absolument prendre bonne note de ces changements. »

OBLIGATIONS D’INFORMATION : BIENTÔT PRÈS DE CHEZ VOUS

Justement, pour les entreprises du Canada, les signes avant-coureurs de changements ne manquent pas. « La nouvelle Norme sur la divulgation des renseignements liés aux émissions de gaz à effet de serre et l’établissement des cibles de réduction du Secrétariat du Conseil du Trésor s’applique aux contrats de 25 M$ et plus, explique Edward Olson. Si on pense aux mandats courants des petits et moyens cabinets, on est ici dans un autre ordre de grandeur, mais on voit bien dans quelle direction s’oriente Ottawa pour ses fournisseurs et leurs obligations de communication d’information. »

Selon lui, ces exigences d’information seront appelées à se répandre dans la chaîne d’approvisionnement, par hiérarchie descendante, jusqu’aux contrats des sous-traitants, et dans les contextes provinciaux et territoriaux. « Si les petits et moyens cabinets ne font pas des facteurs ESG une priorité, leurs affaires pourraient en souffrir directement, tout comme celles de leurs clients qui traitent avec des entités gouvernementales. »

« Les petits et moyens cabinets en particulier devraient se doter sans tarder d’une stratégie ESG pour pouvoir répondre aux exigences des clients et parties prenantes », constate Leah White, associée en certification chez Grant Thornton.

Les CPA devraient à tout le moins avoir une bonne idée de la nature des facteurs ESG et de leurs retombées éventuelles sur leurs activités, et savoir pour quelles questions leurs clients pourraient avoir besoin d’accompagnement. « Comme CPA, vous devez connaître le langage et les réalités ESG, ajoute Edward Olson. Vos clients s’attendront à ce que vous puissiez en parler, à ce que vous connaissiez les tenants et aboutissants, s’ils s’en informent. Le CPA qui n’aura pas de réponses pour ses clients dans ce domaine – qu’il soit question de leur relation avec lui ou de l’aide dont ils ont besoin pour s’y retrouver dans un univers complexe – risquera de les perdre. »

FACTEURS ESG ET COURSE AUX TALENTS

Au-delà des exigences et des valeurs personnelles, les stratégies ESG sont aussi un facteur de différenciation pour les cabinets, du point de vue du recrutement et de la fidélisation.

Angus Bonnyman, CPA, chef de la direction, The AC Group of Independent Accounting Firms, une alliance de cabinets des provinces de l’Atlantique, constate que les facteurs ESG occupent une grande place dans les démarches de recrutement. « Les meilleurs talents sont issus d’une nouvelle génération. Les facteurs ESG leur tiennent à cœur et ils posent des questions. Nous devons évoluer en conséquence si nous voulons être des employeurs de choix. »

« Des changements d’ordre générationnel poussent effectivement les cabinets à monter dans le train ESG, confirme Leah White. Les millénariaux et la génération Z placent la barre haut pour les employeurs côté diversité, équité, inclusion et durabilité. Comme ces talents devraient représenter 75 % de la population active en 2025, les employeurs doivent envisager de se doter d’une stratégie ESG s’ils veulent les attirer et les retenir. »

QUELQUES PISTES

Voici quelques mesures concrètes que les petits et moyens cabinets peuvent envisager de prendre.

1. Élaborer un cadre ESG

Selon Leah White, pour élaborer un cadre ESG, il faut commencer par déterminer les besoins et les objectifs des clients. « Une fois qu’on sait quelles questions ESG prioriser, il est important d’évaluer les programmes, politiques, indicateurs de suivi et missions pour voir où il y a concordance. Un professionnel expérimenté, comme un CPA, peut apporter un regard éclairé. »

« Selon la taille du cabinet, il n’est pas toujours nécessaire de créer un comité, tant que les associés se font les champions de l’impératif stratégique ESG », précise Edward Olson, qui propose 10 questions pour aider les CPA à cerner les répercussions des facteurs ESG :

  • Vos clients sont-ils au fait des incidences que peuvent avoir les facteurs ESG sur leurs résultats et leur réputation?
  • Ont-ils déjà adopté des politiques ou des pratiques liées aux facteurs ESG?
  • Communiquent-ils des informations ESG à leurs principales parties prenantes?
  • Vos clients connaissent-ils les risques et les possibilités liés aux facteurs ESG?
  • Sont-ils prêts à répondre à des demandes d’information provenant d’investisseurs, d’organismes de réglementation ou d’autres parties prenantes, qui portent sur les facteurs ESG?
  • Ont-ils besoin d’aide pour recenser les risques et les possibilités liés aux facteurs ESG?
  • Ont-ils besoin d’appui pour se fixer des objectifs et élaborer une stratégie liés aux facteurs ESG?
  • Vos clients ont-ils besoin d’aide pour mettre en place des pratiques et des initiatives liées aux facteurs ESG?
  • Ont-ils besoin d’orientations sur les obligations d’information liées aux facteurs ESG?
  • Sont-ils prêts à s’adapter à l’évolution des règlements et des normes liés aux facteurs ESG?

2. Agir pour réduire les émissions de GES

Les petits et moyens cabinets doivent aussi agir pour réduire leur empreinte carbone. Pour ce faire, ils doivent se fixer un point de référence, puis des cibles.

L’atteinte des cibles peut passer par un certain nombre d’actions simples à mettre en place, par exemple, réduire les déplacements en passant au mode virtuel, entre autres en assistant à des conférences et à des événements en ligne, comme le suggère Angus Bonnyman.

Dans son cabinet, pour réduire la consommation de papier, on a notamment adopté l’impression recto verso. On demande aussi aux clients s’ils ont besoin d’exemplaires papier de leurs états financiers. « Même l’établissement d’une lettre de mission peut se faire en ligne, grâce à la signature électronique. »

3. Évaluer le risque associé à la clientèle

Edward Olson recommande aux petits et moyens cabinets d’évaluer les implications potentielles des facteurs ESG pour leur clientèle, en vérifiant par exemple combien de leurs clients appartiennent aux 10 secteurs les plus émetteurs au Canada. « Si vous avez des clients dans ces industries, voyez quels changements les touchent et comment adapter vos services pour les accompagner dans leur parcours. Pour l’entreprise comme pour le cabinet, le refus de s’adapter aux changements finira par se répercuter sur le chiffre d’affaires et, à terme, sur la capacité de l’entité à poursuivre son exploitation. Se tenir au fait de l’évolution des questions ESG relève d’une saine gestion. Prendre bonne note des changements qui touchent l’environnement dès aujourd’hui, c’est protéger le chiffre d’affaires demain. Analyser ses activités à la lumière des tendances économiques, c’est aussi renforcer la résilience. »

Les petits et moyens cabinets sont appelés à se poser les questions suivantes :

  • Nos clients vont-ils se renseigner sur nos activités ESG et sommes-nous prêts à répondre à leurs questions?
  • Notre modèle de fonctionnement a-t-il des ramifications dans la sphère sociale? Avons-nous des politiques sur la diversité, l’équité et l’inclusion, et le harcèlement en milieu de travail? Un code de conduite?
  • Avons-nous fait le point sur l’empreinte carbone? Sommes-nous en mesure de quantifier nos émissions de GES?
  • Pourrions-nous faire état de nos émissions de GES si un client nous le demandait?
  • Avons-nous déterminé si certains de nos clients appartiennent aux 10 industries les plus polluantes du Canada, étant donné qu’ils devront vraisemblablement se fixer des cibles de réduction des émissions et adopter des stratégies de décarbonation?
  • Savons-nous quels clients auront probablement besoin d’être accompagnés pour s’y retrouver dans l’univers ESG?

4. Réfléchir aux actions et aux politiques sociales du cabinet

« Votre stratégie à l’égard des priorités sociales aura des effets directs et indirects sur la valeur financière pour le cabinet. Il faut se demander quels changements apporter au modèle de gouvernance, pour intervenir en fonction des priorités sociales, comme les inégalités de genre et la réconciliation avec les peuples autochtones », ajoute Edward Olson.

Le pilier social peut sembler le plus complexe à maîtriser pour les petits cabinets, selon Angus Bonnyman. « Les cabinets qui réussissent le mieux sont ceux qui adoptent une approche équilibrée du travail et qui offrent de la souplesse. Ce n’est pas vraiment révolutionnaire, mais ce virage change bien des choses pour les employés. Nous devons aussi nous montrer plus inclusifs et être sensibles aux gestes qui peuvent rendre le milieu de travail plus accueillant. Par exemple, avec des partenaires communautaires, nous travaillons à mieux comprendre les barrières auxquelles se heurtent divers groupes, et à les éliminer, dans la mesure du possible. »

À son avis, l’investissement dans le milieu portera ses fruits, pour le rayonnement social. « Les petits cabinets ont un rôle crucial à jouer auprès de groupes communautaires et sans but lucratif. »

5. Élaborer une stratégie de communication

Les cabinets doivent aussi se doter d’une stratégie de communication pour faire connaître leur démarche autour des questions ESG. « Les petits et moyens cabinets commenceront par se demander avec qui ils doivent communiquer, explique Leah White. Les entités aux ressources limitées, en particulier celles du secteur du commerce interentreprises, ont intérêt à prioriser leurs clients et parties prenantes. »

Les communications doivent aussi être franches et transparentes, pour éviter que les démarches ne soient perçues comme de l’écoblanchiment. « La stratégie doit également chercher à répondre aux questions que les clients existants ou potentiels pourraient se poser dans la perspective des facteurs ESG. »

6. Changer d’optique

« Dans la profession, souvent, tout tourne autour de la mobilisation des ressources, de leur optimisation et de la rentabilité, fait remarquer Edward Olson. La durabilité a ici son rôle à jouer. Et il est important de savoir comment la mesurer. Nous devons appliquer un filtre ESG à tout ce que nous surveillons au quotidien, pour voir où sont les liens, compte tenu du mode de gestion du cabinet. Les cabinets qui négligeront cet impératif finiront par perdre leur capacité à créer de la valeur. »

Pour Edward Olson, les petits cabinets ont un avantage clé à leur disposition. « À ce stade-ci, vous pouvez facilement vous inspirer de l’expérience des grands cabinets et tirer des leçons de leurs erreurs. Leurs victoires et leurs défaites montrent la voie à suivre. Déterminez ce qui fonctionne, ce qui échoue, ce que vous devez prioriser et comment épauler vos clients. Ce sont des interventions à méditer dès aujourd’hui. »

POUR CREUSER LA QUESTION

Pour les CPA, il y a certaines ressources à consulter. « À vous de voir lesquelles vous conviennent le mieux, selon votre secteur d’activité et les services offerts », précise Edward Olson. Par exemple, CPA Canada propose des aperçus et des programmes de microcrédits. D’autres programmes seront offerts par les organisations provinciales, et des ateliers sont proposés par Earth Academy.

Pour approfondir certains thèmes de l’univers ESG, on peut se tourner vers le programme FSA Credential de SASB, qui traite de nombreux aspects des questions ESG, des attentes des marchés à l’importance relative des informations en passant par la communication d’information elle-même. S’ajoutent la certification en communication d’information sur la durabilité de la Global Reporting Initiative (GRI) ainsi que les programmes de Sustainalytics, qui comprennent une formation ESG pour les professionnels. Enfin, il y a aussi le programme sur les changements climatiques du Carbon Disclosure Project (CDP).

POUR ALLER PLUS LOIN

CPA Canada offre un éventail de ressources sur les enjeux de durabilité. Pour en savoir plus sur la situation des sociétés ouvertes quant à l’information sur les questions sociales, consultez le guide État des lieux : Étude sur les informations relatives aux enjeux sociaux communiquées par les sociétés ouvertes canadiennes. Voyez aussi l’article ESG : les organisations (et les CPA) ont le « S » dans la mire. Vous pouvez aussi vous renseigner sur les répercussions des grands enjeux environnementaux et sociaux pour les entreprises et sur la prise en main, par les CPA, des initiatives ESG .