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Des gens d’affaires se serrent la main à un bureau.
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Achat ou vente d’un petit ou moyen cabinet comptable? Ce qu’il faut savoir

Concilier les attentes des vendeurs avec les objectifs des acheteurs est essentiel pour assurer une transaction réussie.

Des gens d’affaires se serrent la main à un bureau.La plupart des propriétaires de cabinet sont très attachés à leurs clients, qu’ils ont parfois accompagnés pendant plusieurs décennies. (Ariel Skelley/Getty Images)

Pour un comptable qui dirige un petit ou moyen cabinet, prendre sa retraite signifie souvent mettre celui-ci en vente. Si bien des CPA pourraient souhaiter s’en porter acquéreurs, l’achat et la vente de tels cabinets comportent des particularités, tant pour les vendeurs que pour les acheteurs. Voici les plus importantes.

TROUVER LE BON MULTIPLE

Le prix de vente d’un cabinet est toujours basé sur son chiffre d’affaires, explique Sonia Albert, courtière chez Accounting Practice Sales. « Selon que les rentrées d’argent proviennent de la préparation de déclarations de revenus, de la tenue de livres, de services généraux ou spécialisés, le prix sera différent. »

Joe Truscott, CPA, CA, en sait quelque chose puisqu’il a vendu son cabinet d’Hamilton, après plusieurs décennies d’activité. « Plus vos revenus sont stables, plus le multiple de vente sera élevé : 1,1 à 1,2, voire 1,3 fois votre chiffre d’affaires. Si, au contraire, vous ne faites que des déclarations de revenus, la valeur sera moindre, car ce qui intéresse l’acheteur, ce sont les clients dont la facturation moyenne est assez élevée, notamment en raison de la plus-value procurée par les services fournis. »

Sonia Albert est du même avis. « Aux États-Unis, certains multiples ont déjà été très élevés (de 1,5 à 1,75 fois le chiffre d’affaires), mais le marché est moins dynamique au Canada, et l’habitude de travailler avec des courtiers, susceptibles de fournir plus d’acheteurs potentiels, est plus récente. »

Cela dit, rappelle-t-elle, chaque cas est unique. « Nous avons déjà vendu une entreprise qui offrait des services spécialisés au double de son chiffre d’affaires, alors que certaines sont plus difficiles à vendre. Cela dépendra toujours de la nature du cabinet, de l’environnement local, de l’emplacement, de la trésorerie, des employés, etc. Par exemple, si plusieurs personnes veulent quitter le cabinet en même temps, cela aura un impact sur la vente. »

Quoi qu’il en soit, elle ne s’inquiète pas du nombre de baby-boomers qui pourraient mettre leur cabinet en vente, car elle reçoit « beaucoup de demandes de jeunes cabinets en pleine croissance qui sont prêts, année après année, à se développer en achetant un cabinet traditionnel qu’ils transformeront. Les gens veulent offrir plus de services, dans plus d’endroits, mais sans partir de zéro. »

INTÉGRER D’AUTRES FACTEURS FINANCIERS

En examinant le chiffre d’affaires, il faut aussi vérifier si la majeure partie des revenus sont récurrents ou non, et si les tarifs sont justifiés.

« Il faut évaluer la concentration, ajoute Sonia Albert, ces quelques clients qui représentent un pourcentage élevé du chiffre d’affaires et dont le départ éventuel ferait du tort. Une situation susceptible de se produire en cas de changement de propriétaire, mais aussi quand le cabinet ne suffit plus à la tâche, par exemple dans le cas d’entreprises en croissance. »

La rentabilité doit aussi être prise en compte, poursuit la courtière. « Un petit cabinet bien géré peut être plus rentable qu’un moyen cabinet. À chiffre d’affaires égal, il suffit de commencer par comparer le nombre d’employés. Aussi, certains externalisent la préparation de déclarations de revenus, par exemple, ce qui leur donne plus de temps à consacrer aux services à plus forte valeur ajoutée. »

Cela dit, il faut trouver un juste équilibre entre les services externalisés et ceux fournis à l’interne, souligne Ismail Akhter, directeur, Fiscalité et audit, Perfectionnement et soutien des membres, à CPA Canada. En effet, l’impartition comporte aussi des risques en ce qui concerne le contrôle de la qualité, la confidentialité des données, l’image de marque et la responsabilité juridique. Que vous achetiez ou vendiez l’entreprise, il est donc important de garder ces points à l’esprit.

Et d’autres critères entrent en jeu : Quelle nouvelle clientèle le cabinet peut-il attirer? Quel est le bassin d’acheteurs potentiels? L’immeuble fait-il partie de la vente? Un bail vient-il juste d’être signé?

AJOUTER DES ACTIFS INTANGIBLES

Il faut aussi tenir compte de variables plus difficiles à chiffrer. Le cabinet a-t-il abandonné le papier pour des services infonuagiques? Dans le cas contraire, les logiciels utilisés sont-ils compatibles avec ceux de l’acheteur?

« Même si la pandémie a accéléré les investissements dans les technologies, on voit encore beaucoup de cabinets traditionnels, fait remarquer Sonia Albert. Certains décident de tout transformer pour la vente, d’autres vendent avec un sous-sol plein d’archives, ce qui peut influer sur la valeur de revente. »

Même s’il n’est jamais trop tard pour investir (même un peu) afin de se mettre à niveau, Ismail Akhter rappelle à quel point les choses évoluent vite et souligne que les outils dans lesquels on a investi il y a quelques années peuvent déjà être obsolètes. « Certains praticiens doivent réaliser que la valeur de leur cabinet pourrait baisser s’ils ne font rien. »

Néanmoins, poursuit-il, un changement n’a pas besoin d’être compliqué. « Le simple fait de renoncer au papier peut avoir un impact considérable sur la valeur d’une entreprise. »

Les bons employés n’ont pas de prix non plus. « La rareté de la main-d’œuvre est telle qu’on voit souvent des CPA vendre parce qu’ils sont obligés d’en faire beaucoup plus, à défaut d’avoir assez d’employés, explique Sonia Albert. Et de gros cabinets aux prises avec des problèmes de rétention achètent des petits cabinets juste pour mettre la main sur leurs employés. »

TROUVER LE BON ACHETEUR

Mais on aurait tort de penser que la vente d’un cabinet n’est qu’affaire de chiffres, insiste Joe Truscott. « La plupart des gens sont très attachés à leurs clients. J’en ai accompagné certains pendant 30 ou 40 ans, parfois jusqu’à leur décès. Voilà pourquoi le vendeur voudra trouver un acheteur avec qui il a des affinités. Ce peut être un ou plusieurs associés d’un autre cabinet qui veulent devenir indépendants ou fusionner. »

Si certains préfèrent obtenir le maximum en vendant à un grand cabinet, d’autres misent sur une certaine continuité en acceptant une offre moindre d’acheteurs indépendants, parfois un ou plusieurs employés du cabinet. « Des employés aimeraient parfois racheter le cabinet où ils travaillent, mais ils n’ont pas toujours l’expérience ni les moyens, et envisagent de partir en raison de leur frustration », a observé Sonia Albert.

Joe Truscott se félicite d’avoir fait affaire avec un courtier, pour le sérieux des clients qui lui ont été envoyés, et il se réjouit que le repreneur soit plus jeune et plus technophile que lui, ce qui représente à ses yeux un gros plus. « Il fera progresser le cabinet. Les employés sont enthousiastes. »

FIXER DES CONDITIONS

Ce point est primordial pour assurer la réussite de la transaction, d’après Sonia Albert. « L’acheteur doit avoir un portrait du milieu de travail et des employés, de l’ambiance et de la façon dont ils sont traités. Peuvent-ils télétravailler? L’atmosphère est-elle plutôt détendue? Plutôt stricte? Certains prennent mal la vente du cabinet, alors il faut les rassurer, surtout qu’on a déjà vu des employés partir avec des comptes clients. »

En effet, la transaction n’est pas sans risque, et la transition doit se faire en douceur pour ne pas inquiéter les clients. « Si vous leur avez procuré un bon service et que vous soutenez le repreneur, la plupart resteront, car partir impliquerait pas mal de changements pour eux », explique Joe Truscott, qui a annoncé en personne à ses plus importants clients la vente de son cabinet.

Évidemment, l’idéal (pour le vendeur, du moins) est de toucher la totalité du montant entendu à la signature de l’acte de vente, mais de nombreuses autres options existent, souvent assorties de contreparties conditionnelles. Par exemple, certains acheteurs veulent étaler les paiements sur quelques années et les modifier selon le chiffre d’affaires réalisé.

Peu importe la transaction (vente, fusion, reprise par les employés…), le vendeur doit être là pour une période de transition, qui ira de quelques mois à quelques années, « à titre de consultant ou auprès de certains clients uniquement », précise Ismail Akhter, histoire d’assurer une certaine continuité.

Joe Truscott, lui, est resté impliqué dans le cabinet pendant un certain temps après la vente, ce qui l’a conduit vers la retraite de façon très progressive. « C’est pour cette raison que je n’ai pas pris le temps de développer de nouveaux passe-temps, constate-t-il. Mais maintenant que tout est finalisé, je prévois prendre ma retraite bientôt et relever mon prochain défi : offrir des services spécialisés en matière d’impôt sur le revenu. »

EN SAVOIR PLUS

Voyez quelles questions vous poser avant d’acheter une entreprise. S’il s’agit d’un cabinet comptable, suivez ces six conseils d’experts ou consultez la publication de CPA Canada intitulée The Purchase and Sale of an Accounting Practice, qui fait le tour complet de la question.