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Fiscalité et cryptomonnaies : l’opinion d’un expert

John Oakey, CPA chez Baker Tilly Canada, propose un survol des incidences fiscales des cryptomonnaies au Canada.

Homme travaillant à la maison à l'aide d'un ordinateur portable, tandis que sa fille fait ses devoirs à l'arrière-plan dans le salonIl est important que les contribuables tiennent des registres de leurs opérations en cryptomonnaie conformément aux lignes directrices de l’ARC. (Getty Images/hobo_018).

Les placements et les opérations en cryptomonnaie étant maintenant chose courante, leurs incidences fiscales sont un problème grandissant. Une confusion règne quant à l’application des règles fiscales à certains aspects des cryptomonnaies. Nous nous sommes entretenus avec John Oakey, CPA, directeur national des services de fiscalité chez Baker Tilly Canada, au sujet des incidences fiscales des cryptomonnaies.

CPA CANADA : Quel défi présente la déclaration des cryptomonnaies?

JOHN OAKEY (JO) : Étant donné la nature décentralisée des cryptomonnaies, il est difficile pour les autorités fiscales de recueillir les renseignements nécessaires pour assurer le respect des règles fiscales – même si l’Agence du revenu du Canada (ARC) et l’Internal Revenue Service (IRS) ont réussi, par voie judiciaire, à obliger les bourses de cryptomonnaies, comme Coinsquare et Coinbase, à leur fournir des renseignements sur les opérations en cryptomonnaie de leurs clients.

Tous les pays s’accordent sur la nécessité de résoudre ce problème fiscal, maintenant que les cryptomonnaies ne sont plus associées à l’économie clandestine. Dans le cadre de ses efforts visant à favoriser la transparence fiscale dans le domaine des cryptomonnaies, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a élaboré un cadre mondial qui comprend des règles types pour la déclaration et l’échange automatiques entre pays de renseignements sur les comptes financiers et les cryptoactifs des contribuables.

Compte tenu du nombre croissant d’entreprises et de particuliers qui réalisent des placements ou des opérations en cryptomonnaie, ainsi que de l’intérêt mondial suscité par la déclaration transparente des cryptomonnaies, l’ARC et d’autres autorités fiscales examinent les obligations de déclaration annuelle à imposer aux bourses de cryptomonnaies en vue d’améliorer la déclaration fiscale par des tiers. Le défi sera de convaincre les contribuables de déclarer eux-mêmes leurs opérations en cryptomonnaie, car l’anonymat ne durera pas éternellement.

John OakeyJohn Oakey, CPA, directeur national des services de fiscalité chez Baker Tilly Canada. (image fournie)

CPA CANADA : Quelle est la position actuelle de l’ARC à l’égard des cryptomonnaies?

JO : Dans son Guide de la monnaie virtuelle pour les utilisateurs de cryptomonnaie et les professionnels de l’impôt, l’ARC définit la cryptomonnaie comme une représentation numérique de valeur qui n’est pas considérée comme ayant cours légal, mais qui peut servir de moyen d’échange fonctionnant indépendamment d’une banque centrale, d’une autorité centrale ou d’un gouvernement. En règle générale, l’ARC traite la cryptomonnaie comme une marchandise aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu, les opérations imposables donnant lieu à un revenu d’entreprise ou à un gain en capital, selon les circonstances.

Lorsqu’une cryptomonnaie sert à payer des biens ou des services (ce qui comprend l’échange de cryptomonnaies), l’ARC considère qu’il s’agit d’une opération de troc aux fins de l’impôt. Selon le Guide, « il y a troc lorsque deux personnes acceptent d’échanger réciproquement des biens ou des services, et d’effectuer cet échange sans utiliser de monnaie légale ».

CPA CANADA : Comment les contribuables déterminent-ils qu’une opération en cryptomonnaie est imposable?

JO : Détenir une cryptomonnaie n’est pas un fait imposable, pas plus que regarder fluctuer le cours d’une cryptomonnaie. Le don, l’utilisation, la vente ou l’échange de cryptomonnaies est considéré comme une disposition aux fins de l’impôt et exige la déclaration soit d’un revenu ou d’une perte d’entreprise, soit d’un gain ou d’une perte en capital, selon les circonstances. Sur le plan fiscal, la situation s’apparente à la détention d’actions d’une entreprise. En effet, le produit de la disposition est imposable comme gain en capital si la cryptomonnaie est détenue à titre de placement, et comme revenu d’entreprise si elle est détenue à titre de stocks. Un collègue et moi avons répondu à des questions fréquentes sur le traitement fiscal des cryptomonnaies.

CPA CANADA : Faut-il déclarer la cryptomonnaie comme un bien étranger?

JO : Le Canada ne compte aucun mécanisme de déclaration fiscale pour les cryptomonnaies. Par contre, il dispose d’un système d’autodéclaration pour les biens étrangers déterminés (formulaire T1135). Or, l’ARC considère la cryptomonnaie comme un bien étranger déterminé si elle est située, déposée ou détenue à l’extérieur du pays et n’est pas utilisée exclusivement dans le cadre d’une entreprise exploitée activement. Le problème auquel se heurtent les contribuables lorsqu’ils déclarent une cryptomonnaie en tant que bien étranger déterminé réside dans l’emplacement de celle ci. En l’absence d’indications de l’ARC au sujet de l’emplacement réel des cryptomonnaies, la décision de les déclarer ou non revient aux contribuables.

Deux courants de pensée s’affrontent à ce sujet. Le premier consiste à déclarer la cryptomonnaie comme un bien étranger sur le formulaire T1135, même si elle ne correspond pas exactement à la définition énoncée dans la loi. Le second est de ne pas la déclarer comme un bien étranger et de considérer qu’elle est détenue au Canada, puisque l’ARC n’a pas pris de position définitive. Le contribuable s’expose toutefois à des pénalités si l’ARC n’est pas d’accord avec lui, d’où l’importance d’étayer sa position. Étant donné que l’ARC a refusé de se prononcer publiquement sur la question, il serait équitable qu’elle n’impose pas de pénalités tant qu’elle n’aura pas pris clairement position.

CPA CANADA : Que fera le ministère des Finances en ce qui a trait à la déclaration des cryptomonnaies?

JO : Il y a trois scénarios possibles : le ministère des Finances proposera une nouvelle loi portant expressément sur la déclaration des cryptomonnaies, il modifiera la législation sur les biens étrangers pour qu’elle tienne compte des cryptomonnaies ou il laissera le soin à l’ARC de tenter d’appliquer, sur le plan administratif, les règles sur les biens étrangers déterminés aux cryptomonnaies.

CPA CANADA : Les incidences fiscales sont-elles différentes dans le cas du cryptominage?

JO : Le cryptominage est plus complexe et les règles qui s’y appliquent sont différentes. Pour en apprendre davantage à ce sujet, lisez l’article qui résume un document que j’ai écrit en collaboration avec Michael Brown et Myles Bilodeau pour la Fondation canadienne de fiscalité.

Toutefois, la TPS/TVH pose un problème pour les mineurs de cryptomonnaie, et le ministère des Finances Canada a réagi en apportant deux modifications législatives : la première a été adoptée (« effet de paiement virtuel ») et la seconde, qui vise les cryptomineurs, ne l’a pas été.

CPA CANADA : Que doivent faire les contribuables et les CPA pour éviter les problèmes?

JO : Conformément aux lignes directrices de l’ARC, il est important de conserver des registres de toutes les opérations en cryptomonnaie effectuées. On doit y consigner les dates, les adresses de cryptomonnaie, les numéros d’identification des opérations, la valeur en dollars et une description des opérations, et conserver les reçus et les registres des échanges et des portefeuilles. Les cryptomineurs doivent aussi conserver les reçus à l’appui de l’achat de matériel informatique et des dépenses liées aux opérations de minage, les contrats et registres ainsi que les renseignements sur la disposition de la cryptomonnaie gagnée.

Les CPA devraient aussi demander aux clients s’ils ont des avoirs en cryptomonnaie ou des opérations à déclarer. Parmi les nouveaux venus sur le marché de la cryptomonnaie, certains peuvent avoir l’impression qu’ils n’ont rien à déclarer. Il se peut qu'ils ne soient pas au courant de leurs obligations ou qu'ils tentent de cacher leurs avoirs au fisc. Un grand nombre d’opérations ne sont pas déclarées, alors prenez les devants et posez des questions. Si les réponses ne semblent pas cadrer avec les faits, vous devez mettre en doute l’intégrité du client.

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CPA Canada vous invite à consulter les ressources sur la chaîne de blocs et les cryptoactifs, le blogue sur la fiscalité et les autres ressources en fiscalité qu’elle met à votre disposition. De plus, apprenez-en davantage sur le Programme des divulgations volontaires de l’ARC.