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Gros plan de deux hommes d'affaires discutant rapidement dans un bureau
Canada
Tendances

Retour au présentiel : des questions juridiques importantes

Les organisations doivent mettre à jour leurs politiques internes.

Gros plan de deux hommes d'affaires discutant rapidement dans un bureauLes employeurs qui se préparent à faire revenir leurs travailleurs sur place devront adopter des politiques sur différents aspects, comme le port du masque dans les espaces communs. (Getty Images/Marko Gerber)

Le retour au présentiel soulève pour les employeurs de nombreuses interrogations d’ordre juridique. La question est d’autant plus complexe que les points de repère jurisprudentiels manquent dans cette situation sans précédent. « C’est loin d’être simple », constate Emily Siu, avocate au cabinet torontois SpringLaw, spécialisé en droit de l’emploi. Voici trois aspects essentiels à régler.

1. LA SÉCURITÉ DES LIEUX DE TRAVAIL

Les orientations de Santé Canada sur la prévention de la COVID-19 reposent sur une approche multidimensionnelle réunissant certaines pratiques de base, qui s’ajoutent à la vaccination : réduction des échanges, évitement des endroits bondés, port du masque, hygiène des mains, étiquette respiratoire. S’il est facile d’intégrer certaines pratiques aux politiques internes, chaque employeur doit bien soupeser le pour et le contre avant d’exiger une preuve d’immunisation. La nature du secteur et les conditions de travail pourront faire pencher la balance.

La pertinence d’adopter une politique vaccinale préoccupe grandement les employeurs à l’heure actuelle, déclare Me Howard Levitt, du cabinet Levitt Sheikh Chaudhri Swann (LSCS Law). Les tribunaux considéreront-ils que la sécurité l’emporte sur le droit individuel à la vie privée?

« Les employés réfractaires pensent à tort que la protection des renseignements personnels et les droits de la personne sont des arguments juridiques valables. Bien que le droit à la vie privée s’applique, il est insignifiant par rapport aux considérations primordiales relatives à la sécurité et n’a par conséquent pas d’impact juridique. Les politiques en matière de vaccination sont donc légalement admissibles, particulièrement si les employés doivent se rapprocher de leurs collègues ou si le télétravail n’est pas possible. »

2. DES EXCEPTIONS À PRÉVOIR

Comme dans toute autre situation en matière d’emploi, des exceptions devront être envisagées.

« La discrimination à l’endroit d’employés qui refusent le vaccin pour des motifs légitimes, liés aux droits de la personne, est interdite, rappelle Me Siu. L’organisation doit trouver des accommodements, sauf si cela lui causerait un préjudice excessif. »

Mais attention : ces exceptions concernent les personnes ayant des motifs d’ordre médical ou religieux. « Il doit s’agir de raisons importantes et non de problèmes mineurs ou encore d’une opinion personnelle, surtout si cette opinion a été adoptée récemment, par opposition à une véritable adhésion à une religion organisée qui interdit la vaccination », explique Me Levitt.

Une organisation qui décide de mettre en œuvre une politique sur la vaccination doit aussi établir des protocoles qui s’appliqueront aux employés non vaccinés, ajoute Me James Fu, associé chez Borden Ladner Gervais (BLG) à Toronto. « Y aura-t-il des règles différentes en matière de distanciation et de port du masque? Faudra-t-il porter un badge pour indiquer qu’on est immunisé? Chaque organisation devra choisir sa culture et son approche. »

3. LES CONDITIONS DU CONTRAT D’EMPLOI

Les répercussions de la COVID-19 ouvrent aussi la voie à des poursuites potentielles en congédiement déguisé ou injustifié, particulièrement si les gens veulent demeurer en télétravail. Les employeurs devront songer aux conditions du contrat d’emploi et, bien souvent, le mettre à jour (sans oublier de le faire signer) compte tenu de la situation actuelle et des exigences en vigueur.

« L’employeur peut communiquer un échéancier pour le retour sur place, poursuit Me Levitt. Si la personne refuse de le respecter, il a le droit de mettre fin à son emploi. »

Me Siu confirme que la question des exigences applicables intéresse vivement les employeurs. « Tout dépend des circonstances, notamment de la sécurité des conditions de travail, de la capacité de l’employeur à gérer le risque et du secteur », résume-t-elle.

MOYENS D’ATTÉNUER LES RISQUES

Les employeurs peuvent prendre des mesures d’ordre juridique et pratique pour atténuer les risques. Voici quelques recommandations.

  • Revoir les politiques internes à la lumière de l’ensemble des facteurs pertinents, notamment des dispositions législatives applicables.
  • Faire preuve de transparence quant aux plans de réintégration des locaux; des règles claires réduisent le risque de poursuites.
  • Faciliter le retour sur place des employés et leur offrir du soutien pendant la période de transition. « L’adaptation exige du temps, explique Me Siu. En tenant compte des besoins des employés, on évitera des démissions, voire des poursuites épineuses. »
  • Prendre toutes les mesures raisonnables pour établir un milieu de travail sécuritaire. Préparer un « plan de sécurité » et s’assurer qu’il est conforme aux directives actuelles des autorités sanitaires. La loi oblige les employeurs à adopter un tel plan et à le présenter sur demande aux enquêteurs en santé et en sécurité.

Compte tenu de l’absence de jurisprudence, ces questions seront analysées au cas par cas. Me Levitt pense que d’ici là, « les employeurs doivent arrêter leur choix, puis adopter une stratégie juridique en conséquence ».

OUTILS POUR SE PRÉPARER

Votre retour au bureau est prévu pour bientôt? Voyez à quoi vous attendre, et comment vous préparer mentalement. Consultez aussi l’étiquette à suivre dans la nouvelle réalité.