Un tiers de la population vit d’une paye à l’autre selon CPA Canada
Selon une étude de CPA Canada, près du tiers de la population est confrontée à une certaine instabilité de son revenu touchant la source de l’argent ou le montant reçu, ou les deux. (Illustration de Wenting Li)
En général, quand on évoque la pauvreté, on pense au revenu annuel ou à l’absence de revenu.
Qu’en est-il, toutefois, lorsque votre revenu fluctue d’un mois à l’autre? Cette instabilité peut avoir d’importantes répercussions sur votre sécurité financière et engendrer une foule de problèmes d’ordre financier, pratique et psychologique pour le ménage.
Bon nombre de citoyens canadiens connaissent cette incertitude. De fait, selon une étude de CPA Canada, près du tiers de la population est confrontée à une certaine instabilité de son revenu touchant la source de l’argent ou le montant reçu, ou les deux.
« Les travailleurs à temps partiel, par exemple, ne savent pas nécessairement combien d’heures ils travailleront la semaine suivante ou le mois suivant, souligne Francis Fong, économiste en chef à CPA Canada. L’incertitude peut aussi toucher ceux dont le revenu provient de plusieurs sources, qui occupent plusieurs emplois ou qui enchaînent les petits boulots, ou encore les travailleurs contractuels ou indépendants. Toutes ces personnes risquent de voir leur revenu fluctuer. »
ÉTABLIR DES LIENS
M. Fong souligne que ces fluctuations vont de pair avec le recul des emplois à temps plein stables et permanents au profit des emplois atypiques. Même si cette tendance est bien établie, la volatilité du revenu a été peu étudiée au Canada.
« Envisager la volatilité du revenu comme une question d’intérêt public est relativement nouveau. L’enquête de CPA Canada, première du genre au pays, établit un lien entre l’instabilité du revenu et divers indicateurs généraux de la santé financière. »
Ainsi, l’enquête révèle l’existence d’un lien direct entre les fluctuations du revenu et les capacités financières. Les gens dont le revenu varie ont plus de mal à joindre les deux bouts, à planifier les dépenses, à suivre les rentrées et sorties de fonds, à choisir des produits financiers et à s’informer de ce qu’il faut faire. « Ils trouvent peut-être plus difficile d’équilibrer leur budget que ceux qui ont un revenu peu élevé mais qui savent combien ils vont recevoir et quand. »
Selon M. Fong, ce lien de cause à effet soulève une question importante. « Les personnes qui prennent de mauvaises décisions financières sont-elles plus susceptibles d’occuper un emploi associé à une grande volatilité du revenu? Ou est-ce la volatilité du revenu qui empêche les travailleurs de prendre de saines décisions financières? »
« Nous penchons en faveur de la seconde hypothèse. Lorsque le revenu fluctue, il est plus difficile d’épargner en vue de la retraite, de vivre selon ses moyens, de choisir de bons produits financiers, etc. »
AUTRES CONSTATS
- L’instabilité du revenu touche un grand nombre de répondants, indépendamment de leur sexe, de leur état matrimonial, de la région où ils habitent, de leur niveau de scolarité et de leurs sources de revenus.
- Les personnes dont le revenu fluctue sont plus nombreuses à croire que les forces externes (chance) plutôt qu’individuelles (aptitudes et efforts) jouent un rôle important dans la situation financière personnelle.
- L’instabilité du revenu est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes et chez les répondants qui gagnent de 30 000 $ à 50 000 $ (résultat conforme à celui d’études antérieures).
- Le statut de travailleur autonome n’est pas associé à une volatilité élevée du revenu.
« Le problème des capacités financières est beaucoup plus complexe que nous ne le pensions à l’origine, explique M. Fong. Nous savons que l’instabilité du revenu touche un nombre assez important de travailleurs canadiens et qu’elle se répercute sur leurs capacités financières. La prochaine étape consisterait à pousser plus loin l’analyse afin de cerner les problèmes invisibles en surface et d’élaborer des politiques visant à les régler. »
PRÉPARER L’AVENIR
Le gouvernement fédéral a formé récemment un comité d’experts chargé de moderniser les normes du travail. Le comité examinera plusieurs enjeux liés à l’évolution de la nature du travail : rétablissement d’un salaire minimum fédéral; protection des travailleurs occupant des emplois atypiques; déconnexion des communications électroniques professionnelles après les heures de travail; accès aux avantages sociaux et transférabilité de ces avantages; et instauration de meilleurs mécanismes de représentation collective des travailleurs non syndiqués. Le comité doit remettre son rapport d’ici le 30 juin 2019.
« Il y a indéniablement des recoupements entre les types d’emplois associés à la volatilité du revenu et la portée du mandat de ce comité d’experts », précise M. Fong.
Il conclut ainsi : « L’essentiel, c’est de trouver l’équilibre entre la souplesse associée à l’évolution du marché du travail et la nécessité d’offrir de l’aide aux personnes qui en ont besoin pour qu’elles puissent maintenir leur niveau de vie, épargner pour leur retraite et se constituer une réserve pour les temps difficiles. Autrement, elles continueront à connaître des périodes de pauvreté, ce qui créera une nouvelle série de problèmes auxquels nos systèmes ne sont pas préparés. »
LIRE L’ÉTUDE
Pour en savoir plus sur l’instabilité du revenu et sur ses liens avec la santé financière, lisez l’étude de CPA Canada intitulée Les dangers de vivre d’une paye à l’autre : la relation entre volatilité du revenu et insécurité financière. Il s’agit du deuxième rapport d’une série d’études sur les capacités financières, dont le premier s’intitulait L’incidence des traits de personnalité : un regard neuf sur les différences entre les sexes en matière de littératie financière.