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Canada
Finances personnelles

Tenez-vous loin des prêts à taux excessif

Des prêteurs abusifs imposent des taux d’intérêt exorbitants, mais des consommateurs aux abois se tournent néanmoins vers eux.

Donna Borden est maintenant sur la bonne voie, financièrement et autrement, mais il y a trois ans, elle était en situation de détresse financière.

Après avoir contracté un prêt de 10 000 $ en 2005, cette mère seule de Toronto devait encore, 10 ans plus tard, 7 500 $... après avoir remboursé en tout 25 000 $.

Le taux d’intérêt avait été fixé à 28,99 %, mais le prêteur avait refinancé le prêt et modifié les modalités plusieurs fois, sans son consentement.

Plutôt que de continuer à faire ses paiements, Mme Borden a décidé un jour de ne plus rembourser cette dette. « Je me suis rendu compte qu’il me serait impossible de payer tout ça », dit-elle. C’est alors qu’elle est devenue porte-parole pour ACORN Canada (Associations d’organisations communautaires pour la réforme maintenant), un collectif anti-pauvreté au sein duquel elle dirige une campagne pour dénoncer les pratiques de prêt abusives.

Le cas de Donna Borden est semblable à celui de bon nombre d’emprunteurs qui, pris à la gorge, se tournent vers le marché du crédit parallèle, où l’on peut obtenir un prêt sur salaire, un prêt remboursable par versements ou d’autres types de prêts à des taux généralement excessifs. Les prêts sur salaire sont régis par des lois provinciales, mais les prêts remboursables par versements ne le sont pas. Dans ce dernier cas, les taux d’intérêt ne peuvent excéder 60 %. Toutefois, les prêteurs ont pour ainsi dire toute liberté pour modifier les conditions ou ajouter divers frais (voir l’encadré).

UN PROBLÈME ENVAHISSANT

La réalité des prêts abusifs affecte toutes les couches de la société. Comme le fait remarquer Doretta Thompson, directrice de la Responsabilité sociétale à CPA Canada, « ce sont principalement des personnes à revenu faible ou moyen qui ont recours à ces prêts, mais des gens au salaire enviable tombent aussi dans le cercle vicieux des mauvaises dettes. La plupart des emprunteurs sont conscients que ce genre de prêt est plus coûteux, mais soit ils se disent qu’ils n’ont pas le choix, soit ils ne connaissent pas les coûts réels. »

Malgré des taux usuraires, il semble qu’un grand nombre de Canadiens se tournent vers des prêteurs marginaux. Doug Hoyes, CPA et syndic autorisé en insolvabilité chez Hoyes, Michalos & Associates, peut le confirmer. « En 2011, seulement 12 % de mes clients avaient contracté un prêt sur salaire au moment de se présenter chez nous; ce pourcentage est maintenant de 31 %. » Il se désole aussi de voir que de plus en plus de personnes âgées ont un prêt sur salaire, une tendance que lui et ses collègues jugent effarante.

DES PROGRÈS BIEN LENTS

Donna Borden raconte que depuis qu’elle s’est jointe à ACORN, des progrès considérables ont été accomplis sur le plan de la sensibilisation. « Mais il reste encore beaucoup à faire », ajoute-t-elle. L’organisme de défense des emprunteurs a publié plusieurs rapports ainsi qu’un document stratégique. Avec sa campagne pour des frais bancaires équitables, il cherche à mettre fin aux pratiques de prêt abusives. ACORN milite notamment en faveur de la modification du Code criminel, pour que le taux d’intérêt maximal passe de 60 % à 30 %.

Déjà, au Québec, le taux d’intérêt maximal est de 30 %, ce qui explique que le marché des prêts sur salaire y soit inexistant, selon Mme Borden. De leur côté, l’Alberta et l’Ontario ont toutes deux établi un plafond pour les prêts sur salaire, soit 15 $ pour chaque tranche de 100 $. En Ontario, comme le mentionne M. Hoyes, au lieu de dire « 15 $ sur 100 $ », le prêteur doit divulguer le taux d’intérêt réel. « Je suis d’accord avec cette exigence : plus le consommateur est informé, plus il pourra prendre une décision éclairée. »

Mme Borden est du même avis. « En discutant avec le prêteur, je pensais poser les bonnes questions et j’obtenais des réponses. Mais ce n’était manifestement pas les bonnes réponses. Je me demande parfois si quelqu’un ne viendra pas sonner à ma porte dans 10 ans pour me réclamer de l’argent. »

POUR EN SAVOIR PLUS

CPA Canada propose divers outils et ressources pour l’établissement d’un budget, ainsi que des ateliers gratuits, par l’intermédiaire de son programme de littératie financière. Vous pouvez aussi participer à la conférence Mastering Money, qui aura lieu en novembre, ou utiliser les feuilles de travail pour la gestion financière de CPA Canada pour améliorer la gestion de vos finances.

PRÊT SUR SALAIRE ET PRÊT REMBOURSABLE PAR VERSEMENTS

Les deux types de prêts sont classés comme des prêts sans garantie, mais comportent des différences.

PRÊT SUR SALAIRE

Il s’agit d’un prêt à court terme habituellement remboursé en un coup. La prochaine paie de l’emprunteur sert de garantie.

Les prêts sur salaire sont régis par des lois provinciales. Chaque province fixe le taux d’intérêt maximal (de 15 $ à 25 $ par tranche de 100 $ empruntée) et d’autres exigences. Le prêt a beau être de courte durée, cela représente un taux d’intérêt annuel de 391 % à 652 %. Le nombre d’endroits où l’on peut se procurer un tel prêt au Canada est estimé à 1 500.

Doretta Thompson explique que la plupart des prêts sur salaire sont d’une valeur relativement faible et que les gens y ont recours pour des dépenses incompressibles telles que le loyer, les services publics ou une urgence. « Mais cette décision peut vous entraîner sur un terrain glissant, et vous forcer à recourir à ce moyen à maintes reprises », prévient-elle.

Mme Thompson mentionne par ailleurs un rapport sur les tendances du marché des prêts sur salaire publié par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. On y montre que plus de la moitié des emprunteurs ne savaient pas que les prêts sur salaire finissent par coûter plus cher que si on laisse le solde en souffrance sur une carte de crédit ou si on demande une avance de fonds sur une telle carte.

PRÊT REMBOURSABLE PAR VERSEMENTS

Comme le nom le dit, ce prêt est remboursé par versements périodiques. Doug Hoyes rappelle que le taux d’intérêt sur ces prêts ne peut excéder 60 % selon le Code criminel. Précisons que c’est là un taux plus faible que sur un prêt sur salaire. Toutefois, ces prêts sont remboursés sur une plus longue période. « Ils prolongent l’agonie, si on peut dire. »

M. Hoyes précise que ni l’un ni l’autre n’est une bonne chose. « Il vaut mieux, si vos dettes sont élevées, faire une proposition de consommateur. »

Naturellement, l’idéal est de ne pas s’engager dans la voie du surendettement. Doretta Thompson : « Pour nous, les récits entourant des prêts abusifs font vraiment ressortir la nécessité d’accorder une grande importance à la constitution d’une réserve pour les urgences. Nous encourageons tous les citoyens à dresser un budget et à déterminer la façon d’utiliser au mieux leur argent. Il n’est jamais trop tard pour commencer à bien gérer ses finances. »