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Fraude

Âgés, naïfs... et honteux

Ils ont du temps et de l’argent. Des cibles de choix pour les escrocs.

Très souvent, lorsque les personnes âgées sont victimes de manœuvres frauduleuses, la honte les empêche d’alerter les autorités.

Ainsi, sur les quelque 71 000 cas de fraude par marketing de masse rapportés en 2017 – représentant des pertes de plus de 110 M$ – moins de 5 % des victimes ont déposé une plainte officielle selon le Centre antifraude du Canada (CAFC).

« Bien des aînés ne l’avoueront jamais. Ils ont honte d’avoir mordu à l’hameçon et sont convaincus qu’il n’y a rien à faire », se désole Laura Tamblyn Watts, directrice nationale, Lois, politiques et recherches, à CARP, un organisme de défense des droits des citoyens canadiens de 50 ans ou plus. « On doit leur faire comprendre qu’ils ne sont pas seuls dans cette situation, les soulager de leur honte et calmer leurs inquiétudes. »

La complexité des réseaux de fraudeurs et la facilité avec laquelle ceux-ci peuvent cacher leur identité n’ont rien pour aider les enquêteurs. De plus, les escrocs s’échangent des listes de victimes potentielles, bonnes poires jugées vulnérables, qu’ils vont ensuite cibler inlassablement. « Les personnes âgées qui se retrouvent sur ces listes sont inondées d’appels ou de textos, et des charlatans viennent même frapper à leur porte, poursuit Mme Watts. Les manœuvres débordent du cyberespace et prennent toutes sortes de formes. »

Malheureusement, les cas de fraude risquent d’augmenter avec le vieillissement de la population (selon Statistique Canada, le nombre d’aînés pourrait atteindre 10,9 millions en 2036).

« Les gens ne connaissent pas bien leurs droits, alors la sensibilisation est cruciale. »

De nos jours, les personnes âgées sont plus actives qu’auparavant, dans la vie comme sur le Web. Elles font leur marché, leurs opérations bancaires et même des rencontres en ligne. D’après une enquête sociale générale menée en 2016 (Les Canadiens au travail et à la maison), l’utilisation d’Internet est passée de 65 à 81 % chez les 65 à 74 ans, et de 35 à 50 % chez les 75 ans ou plus, entre 2013 et 2016.

« Notre perception de la vieillesse et des personnes âgées est dépassée », constate Kavina Nagrani, avocate spécialisée en droit successoral et droit des aînés et membre du conseil du Réseau canadien pour la prévention du mauvais traitement des aînés (RCPMTA). « Savoir, c’est pouvoir, comme le dit la maxime, et la sensibilisation est la clé. »

D’ailleurs, si vous croyez que les escrocs se contentent de voler des profils en ligne, détrompez-vous. Tout renseignement communiqué ouvertement – métier, convictions politiques, détails sur la vie familiale, etc. – peut leur servir. Et les filets qu’ils tendent sont encore plus complexes et plus difficiles à défaire que jamais auparavant.

Un webinaire de CPA Canada sur les façons de déjouer les fraudeurs nous apprend que si les aînés sont plus fréquemment la cible d’escroqueries, c’est qu’ils sont souvent seuls à la maison. Ils se sentent parfois délaissés, isolés, et sont parfois aux prises avec des problèmes de santé. Ils ont de l’argent à portée de main et font facilement confiance aux inconnus. Sans surprise, les fraudeurs savent exploiter cette fragilité.

« Les gens ne connaissent pas bien leurs droits, alors la sensibilisation est cruciale, ajoute Mme Nagrani. On insiste beaucoup sur l’importance d’entourer les aînés, d’instaurer un souci de bienveillance et de faire en sorte que tous soient bien informés. »

Selon le webinaire de CPA Canada, les trois principaux stratagèmes sont l’offre de services (entrepreneurs, vendeurs à domicile); le prix bidon (« Félicitations, vous avez gagné à la loterie! »); et l’arnaque visant les grands-parents (« Grand-maman, on me retient à la frontière; j’ai besoin d’argent pour payer la caution »). Parmi les autres leurres utilisés, citons l’amour (âme sœur trouvée du jour au lendemain sur un site de rencontre); la dette (argent réclamé par l’Agence du revenu du Canada, une institution financière, etc.); l’héritage (un notaire vous annonce que vous venez de recevoir un héritage d’un parent éloigné, vous demande des renseignements personnels et exige le paiement immédiat de ses honoraires); et l’hameçonnage (un imposteur vous demande un mot de passe, des renseignements personnels, le numéro d’une carte de crédit, etc.).

D’après les données recueillies par le CAFC, l’extorsion, l’hameçonnage et l’offre de services sont à l’origine de la majorité des plaintes, alors que l’amour, l’investissement et le prix bidon remportent la palme quant au montant soutiré.

« Les personnes qui côtoient des aînés peuvent nous aider à prévenir la fraude par marketing de masse en se tenant au courant des stratagèmes employés par les fraudeurs et en diffusant des renseignements utiles », souligne Lisanne Roy Beauchamp, superviseure au centre d’appels du CAFC.

Malgré l’augmentation des cas de fraude et de la complexité des réseaux, il existe des moyens de se protéger contre ces actes malveillants. Diverses organisations, dont CPA Canada par le truchement de son programme de littératie financière, ont à cœur d’aider les aînés en ce sens. Voici quelques bons conseils à suivre.

Ressources

Voici quelques bons conseils à suivre

FAITES ÉCHEC À LA FRAUDE:

1. Ne donnez jamais de renseignements personnels sur vous-même ou vos proches à un inconnu qui vous a appelé lui-même au téléphone; cela vaut aussi pour les courriels et les textos.

2. Si la personne au bout du fil vous demande de l’argent, demandez-lui de s’identifier et notez tout ce qu’elle vous dit, pour pouvoir la rapporter aux autorités (n’hésitez pas à le faire).

3. Méfiez-vous des chèques falsifiés, tout particulièrement ceux qui sont censés vous permettre de régler des taxes, des droits de douane, des honoraires d’avocat, etc.

4. Sachez que les pouvoirs publics, les autorités, les juges, etc., n’exigent jamais de paiement par virement de fonds ou carte-cadeau et ne demandent pas aux citoyens de participer à des opérations d’infiltration ni à des enquêtes internes.

5. Sur les sites de rencontre, méfiez-vous des personnes qui veulent vous rencontrer rapidement; qui professent leur amour dès les premiers jours; qui prétendent vivre près de vous, mais travaillent à l’étranger; ou encore qui vous demandent de leur prêter de l’argent (ne leur envoyez jamais de chèque ni d’argent sous quelque forme que ce soit).

6. Ne versez pas d’argent pour obtenir de l’argent! Les sociétés de loterie n’exigent jamais d’argent avant de remettre un lot. De plus, vous ne pouvez gagner au loto si vous n’avez pas acheté de billet, et vous ne pouvez gagner un lot dans un pays dont vous n’êtes pas citoyen.

7. Si quelqu’un vous appelle et prétend être un membre de votre famille ou un ami d’une de vos connaissances, interrogez-le subtilement pour savoir si ses propos sont plausibles ou s’il s’agit d’une histoire montée de toutes pièces. Ne gobez rien qui vous semble louche.

SIGNALEZ TOUTE FRAUDE OU ESCROQUERIE:

1. Si vous avez fourni des renseignements personnels à des personnes mal intentionnées (selon ce que vous apprenez ou soupçonnez), communiquez avec votre institution financière ainsi qu’avec Equifax ou TransUnion pour qu’une alerte de fraude potentielle soit inscrite à votre dossier.

2. Soyez sur vos gardes : il est fort probable qu’on tente de nouveau de vous escroquer.

3. Fournissez le plus de renseignements possible à votre institution financière, à la police et au Centre antifraude du Canada (CAFC).

SOURCE : CACF, Guide 2018 sur la prévention de la fraude visant les personnes âgées