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Canada
Économie

Trouver son bonheur d’occasion (et pourquoi pas sur Kijiji) en participant à l’économie de seconde main

Donner, revendre, échanger, louer... 85% des Canadiens participent à l'économie de seconde main. Coup d’œil sur un marché qui ne dérougit pas.

La saison des ventes de garage bat son plein. L’activité semble pittoresque, mais elle symbolise pourtant bien la partie visible d’un immense iceberg dont on sous-estime la taille : l’économie de seconde main, soit l’ensemble des biens achetés, vendus, loués, échangés ou donnés qui profitent d’une deuxième vie. Un rapport publié plus tôt cette année par l’Observatoire de la consommation responsable de l’ESG UQAM évalue ce marché pour l’année 2017 à 28,5 G$, soit 1,34 % du PIB canadien.

Au total, près de 2,3 milliards de biens ont changé de main l’an passé (+24 % par rapport à 2016). Les retombées économiques du secteur oscillent entre 34 et 37 G$. Rien qu’en Ontario, elles dépassent les 10 G$.

Si 85 % des Canadiens participent à cette économie, tous ne le font pas également. L’Ontario est la province la plus active, avec un indice d’intensité, soit le nombre de biens échangés par personne, de 92. Suivent l’Alberta (90), la Colombie-Britannique (77) et les Prairies (69). Le Québec (63) et les provinces de l’Atlantique (60) ferment la marche.

Serait-on moins actif dans l’Est? Non, mais les motivations diffèrent. Les Québécois, par exemple, cherchent davantage à faire de bonnes affaires en achetant d’occasion qu’à donner, comme on le fait largement ailleurs au pays.

Donner, un geste facile vu les nombreux points de collecte, mais qui n’est pas toujours sans conséquence. Ainsi, en 2016, des librairies indépendantes du Québec (spécialisées dans les livres d’occasion) se sont plaintes dans une lettre ouverte que Renaissance leur livrait une concurrence déloyale. Et pour cause : l’organisme à but non lucratif, qui a pour mission de faciliter l’insertion sociale des personnes en difficulté, avait mis sur pied un réseau de 8 librairies (10 en 2018) grâce aux dons reçus – autrement dit, une matière première qui ne coûte à peu près rien. De là à revoir l’encadrement du secteur?

Tout dépend de qui fait circuler quoi. Globalement, les femmes y sont un peu plus actives que les hommes. Logiquement, les jeunes achètent plus, et les aînés donnent plus. Quoi? Des vêtements, surtout, qui représentent un tiers des échanges. Les biens de divertissement (DVD, jeux…) et les articles pour bébés arrivent respectivement en 2e et 3e positions.

En 2017, les Canadiens gagnent en moyenne 1 134 $ en revendant des objets et économisent 825 $ sur leurs achats, des montants non négligeables. Les chasseurs de trésors hyperactifs (150 transactions ou plus) représentent seulement 10 % des Canadiens. Et seule une poignée d’entre eux ont « professionnalisé » l’économie de l’occasion, allant jusqu’à louer un entrepôt pour acheter et revendre. Ils sont sûrement heureux que 75 % des acheteurs paient le prix demandé sans négocier.

Et les revenus générés dans tout ça ? eBay est claire : « La loi vous oblige à déclarer les revenus tirés de vos ventes eBay et à en payer l’impôt. » Dans les faits, ce sont les « PowerSellers » – des vendeurs très actifs qui réalisent au moins 100 transactions par année sur le site pour une valeur totale dépassant les 1 000 $, et qui recueillent des commentaires positifs dans 98 % des cas – que l’Agence du revenu du Canada aurait dans sa mire. Le commun des mortels n'a pas vraiment à s'inquiéter.

Cela dit, le marché évolue vers des produits plus chers (meubles, électroménagers) ou nouveaux pour les plateformes, ce qui en fera augmenter la valeur dans les années à venir. Il est ainsi possible dans plusieurs pays européens, depuis que la Cour de justice de l’Union européenne l’a autorisé en 2012, de faire le commerce de logiciels d’occasion, une opportunité tant pour les entreprises vendeuses (en raison de licenciements, d’un changement de technologie, de surstocks…) que pour celles qui achètent et économisent jusqu’à 50 %. Une filiale d’un pionnier allemand du secteur, usedSoft France, a déclaré que 25 % de ses ventes avaient été réalisées auprès d’organismes du secteur public en 2016.

Dans un univers de plus en plus dématérialisé, nul doute que ce type de transactions traversera l’océan un jour, apportant son lot de fraudes. Un grand classique des petites annonces consiste à payer le vendeur par un virement Interac frauduleux que la banque ne détectera que quelques jours plus tard, alors que le bien aura déjà changé de main. Bref, les ventes de garage ont encore de très beaux jours devant elles.