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Des obstacles freinent l’essor des applications canadiennes de partage de repas

Kouzina et LaPiat sont les dernières en date à offrir des repas faits maison pour combler l’appétit des consommateurs; au moins trois autres applications du genre ont fermé boutique

La dernière nouveauté de l’économie du partage : les repas faits maison. Suivant les traces d’Uber et d’Airbnb, des applications de partage comme Kouzina et LaPiat (toutes deux à Toronto) ont vu le jour afin d’offrir aux consommateurs des plats préparés par des cordons-bleus à la maison.

Lancée en août 2017, Kouzina propose, entre autres mets alléchants, une lasagne et un repas paléo composé de brochettes de poulet et d’un taboulé de quinoa. Les clients choisissent des plats et les paient sur le site (de 6 $ à 15 $ par portion), puis passent les prendre chez les chefs. Kouzina perçoit une commission de 6 %.

Tout le monde y gagne, les cuisiniers comme les acheteurs, souligne Nick Amaral, 22 ans, fondateur de Kouzina. « Si vous cuisinez déjà, en faire une ou deux portions de plus est facile et n’augmente pas beaucoup les coûts. Le cuisinier touche un revenu d’appoint, et l’acheteur se procure un repas santé fait maison aussi facilement qu’au resto rapide ou chez le traiteur. »

Quoi qu’il en soit, tout n’est pas toujours rose sur Internet pour les applications de partage de repas. Au moins trois d’entre elles (Tffyn, Homefed et MealSurfers) ont mis fin à leurs activités pour des raisons obscures. D’ailleurs, en 2016, les Services de santé de l’Alberta ont fermé la société Scarf d’Edmonton seulement quelques mois après son ouverture.

« Les agissements des exploitants nous ont forcés à prendre des mesures pour protéger la santé publique », ont déclaré les Services de santé après avoir fait fermer l’entreprise. « Notre objectif est d’aider les Albertains à servir des aliments salubres et à respecter la réglementation visant à protéger la santé de la population et à encadrer la préparation de nourriture. »

Kian Parseyan, copropriétaire et chef de la direction de Scarf, mentionne avoir essayé de collaborer avec les Services de santé pour établir un guide sur la salubrité en cuisine, des tests à faire passer aux cuisiniers et des inspections aléatoires de leurs installations une fois par trimestre. Son rigoureux processus de sélection incluait même une vérification des antécédents criminels. Les Services de santé « n’ont rien voulu savoir, ils se sont montrés intraitables », se désole M. Parseyan.

M. Amaral semble avoir plus de chance : le Bureau de santé publique de Toronto a exprimé sa volonté de collaborer avec les applications de partage de repas. Selon le porte-parole du Bureau, Sylvanus Thompson, tout exploitant d’une application de ce type doit informer le médecin-hygiéniste de ses plans et fournir une liste des chefs afin que le Bureau puisse leur transmettre les exigences touchant la salubrité des aliments, procéder à une évaluation des risques et, éventuellement, inspecter leurs locaux. Mais à moins d’un risque sanitaire, précise M. Thompson, le Bureau « n’a pas l’autorité nécessaire pour fermer un service d’alimentation ni en interdire l’exploitation ».

Trouver des cuisiniers et des clients peut aussi poser problème, souligne M. Parseyan. Il s’agit en effet d’un nouveau concept, et les chefs peuvent hésiter à mettre leur ego en danger. Avec le recul, il admet que « c’est un modèle d’affaires bien fragile dans un domaine très peu connu ».

M. Amaral, quant à lui, reste optimiste. « Nous n’en sommes qu’aux débuts. De nouveaux clients s’ajoutent chaque jour, alors tout va bien jusqu’ici. » Pour l’instant, Kouzina n’offre ses services qu’à Toronto, mais M. Amaral espère les étendre à d’autres villes, peut-être même à d’autres pays.

Entre-temps, il travaille dur et réduit ses dépenses en habitant chez ses parents… et en mangeant avec eux. « Je suis chanceux : j’ai un cordon-bleu à domicile! »