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Une femme âgée travaillant devant un ordinateur
Affaires et économie

Un âge qui vaut de l’or

Favoriser le maintien des travailleurs d’expérience sur le marché régleraient de nombreux problèmes, pourvu de s’y prendre comme il faut.

Si la course effrénée à l’immigration est loin d’être terminée, je demeure convaincu qu’on est loin de tirer le plein potentiel de la main-d’œuvre canadienne, particulièrement des travailleurs d’expérience. En effet, à 65 %, le taux d’emploi des 55-64 ans au Canada est bien inférieur à celui de plusieurs pays. Il est ainsi de 72 % en Finlande, de 74 % en Norvège, de 75 % en Allemagne et aux Pays-Bas, de 78 % en Suède, de 79 % au Japon et de 83 % en Islande.  

Au pays, passer de 65 % à 75 % ajouterait 500 000 travailleurs sur le marché chaque année, soit autant que nos seuils actuels d’immigration. On en parle pourtant très peu. Est-ce de l’âgisme ? Un manque de courage politique?  

Un marché mal adapté 

Une étude récente de Statistique Canada a montré que parmi les travailleurs qui planifiaient prendre leur retraite, 55 % continueraient à travailler s’ils pouvaient le faire à temps partiel, et 43 % le feraient si le stress était moins élevé ou si le travail était moins physiquement exigeant.  

Avouons que sur le plan de la flexibilité, on peut faire mieux. Le marché du travail semble fonctionner à deux vitesses : le classique temps plein, 40 heures par semaine, stress compris, peu importe l’âge du travailleur, face au temps partiel, à 20 heures par semaine ou moins. La mise en place de programmes d’accommodements pour les travailleurs en fin de carrière, comme il en existe déjà dans le secteur public, serait à explorer pour les entreprises et organisations. Mais cela implique de revoir notre conception du travail, ainsi que notre rapport aux responsabilités, aux tâches, au volume horaire et au niveau de stress, afin de s’adapter aux attentes de travailleurs qui jouissent déjà d’une certaine liberté financière. Des travailleurs dont il faut reconnaître l’expérience, voire l’expertise, et qui nécessitent peu de supervision puisqu’ils œuvrent en moyenne 16 ans au sein de la même organisation, soit deux fois plus longtemps que les travailleurs de 25 à 54 ans. Hélas, l’absence d’ajustements et de discussions sur ce qui pourrait les faire rester signe souvent leur départ à la retraite.  

Le bâton ou la carotte ?  

L’éléphant dans la pièce, ce sont les régimes de retraite et les prestations pour aînés. Dit autrement, sommes-nous trop généreux? Évidemment, de nombreux ainés tirent le diable par la queue mais la situation financière des retraités s’est améliorée significativement dans les 15 dernières années. Non seulement ont-ils plus de revenus, mais le taux de remplacement des revenus à la retraite est passé de 85 à 90 %. Les 40 % les mieux nantis n’observent pratiquement pas de pertes de revenus à la retraite. 

La taille du secteur public dans notre économie est une des raisons de notre faible taux d’emploi des ainés car le départ à la retraite s’y fait en moyenne à 62 ou 63 ans, soit 2 ans avant le secteur privé et 5 ans avant les travailleurs autonomes. Au risque d’en choquer certains (et je sais que de nombreux CPA sont des fonctionnaires), il faut se demander si une retraite précoce fortement financée par l’employeur, soit l’État, est soutenable à long terme pour la société. 

On peut aussi se questionner sur l’âge requis pour percevoir les prestations fédérales – sujet sensible, j’en conviens! Le fameux 65 ans a été établi dans les années 1960 alors que l’espérance de vie se situait autour de 70 ans. À l’époque, c’était beaucoup trop tard, mais depuis, l’espérance de vie a augmenté de 11 ans pour atteindre 81 ans, et fait tripler la durée de la retraite. Plusieurs pays, comme la Finlande, le Danemark ou le Portugal, ont déjà lié âge de retraite et espérance de vie afin d’être logiques.  

Inégalités intergénérationnelles 

Chose certaine, la crise démographique actuelle ne se résorbera pas et le taux de natalité continuera à chuter, entrainant une diminution relative du nombre de travailleurs. Or, on n’évoque très peu la charge financière que peut représenter une population vieillissante pour la société, notamment pour les jeunes sur les épaules desquels le fardeau repose – notre système est ainsi fait. J’en comprends la logique, mais viendra un jour où ces fondements devront être remis en question. 

La période inflationniste qu’on vient de vivre est assez représentative de la situation : certains travailleurs ont dû négocier, parfois se mettre en grève, pour que leur rémunération suive l’inflation alors que les sommes allouées aux retraités (prestations, régime de pensions du Canada) ont été automatiquement indexées. Bref, prioriser coûte que coûte les retraités est un choix de société, mais je souhaiterais à mes enfants qu’on distribue mieux le fardeau de ma propre vieillesse, pour éviter qu’ils héritent de la facture.