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L’après COVID-19 : à quoi ressembleront les bureaux de demain?

La crise sanitaire va changer la façon dont les bureaux sont conçus. Le but : que les travailleurs y soient en sécurité.

Femme affaires, debout, vide, bureauLes entreprises devront revoir les quarts de travail (horaires variables ou décalés) ou réduire le nombre de travailleurs présents en même temps. (Getty Images/Thomas Barwick)

L’impact qu’aura la COVID-19 sur la vie de bureau est indéniable, du moins à court et moyen terme. Employeurs et employés vont devoir s’habituer à une nouvelle réalité, faite de désinfection, de ventilation et de distanciation.

« Les employeurs ont une responsabilité envers leurs employés : ils doivent les protéger, y compris les uns des autres », explique Philippe Lupien, architecte et professeur en design de l’environnement à l’UQAM. « Ce qu’on veut éviter, c’est un bureau où tout le monde tomberait malade en même temps. »

Voici ce que les employeurs devraient prendre en considération avant de rouvrir leurs portes.

1) Limiter les risques de propagation 

« Les informations dont nous disposons sur le virus ne suffisent pas encore à établir une politique universelle d’aménagement des bureaux », explique Philippe Lupien. « En revanche, on sait que la COVID-19 se transmet quand une personne contaminée parle, tousse ou éternue, et, ce faisant, projette (jusqu’à 1 m) des gouttelettes qui tombent sur les surfaces horizontales ou verticales. D’où le port du masque. » 

Les projections suscitent beaucoup d’inquiétude, confirme Diane-Gabrielle Tremblay, professeure à l’École des sciences de l’administration de l’Université TÉLUQ. « Ces dernières années, pour économiser de l’espace et de l’argent, on a beaucoup misé sur les aires ouvertes, censées favoriser la collaboration. Aujourd’hui, ces espaces peuvent faire peur, concède-t-elle. On est loin des deux mètres requis dans certains cas.  

« Par conséquent, certaines entreprises, poursuit-elle, devront installer des cloisons en plexiglas entourant entièrement les postes de travail et imposer le port du masque. Elles devront aussi revoir les quarts de travail (horaires variables ou décalés) pour réduire le nombre de travailleurs présents en même temps et, partant, les risques de propagation. Les transports en commun et les ascenseurs seront aussi visés par des restrictions. » 

En fonction des flux de circulation, d’autres mesures peuvent s’ajouter, comme un sens de déplacement dans les couloirs (sens des aiguilles d’une montre) pour limiter les rencontres, ou une signalisation renforcée (du genre « Ne pas franchir cette ligne »). Des applis de distanciation ont déjà vu le jour. Ainsi, SD Tech, une entreprise spécialisée dans la géolocalisation, a lancé « Le distanceur social », un boîtier électronique qu’on porte sur soi et qui sonne quand la distance requise n’est pas respectée. 

2) Désinfecter souvent dans les aires communes

Les entreprises où les bureaux ne sont pas réservés à l’usage exclusif d’une personne ont un autre défi à relever, ajoute Diane-Gabrielle Tremblay. « Parfois, il n’y a de place que pour 50 % ou 75 % des employés. Les autres s’installent dans les espaces de détente, dans la cafétéria, dans les salles de réunion… Mais qui voudra le faire, dorénavant? Dans tous les cas, il faudra désinfecter derrière eux chaque fois qu’ils quittent un endroit. »

Philippe Lupien est encore plus précis : « On devra désinfecter toutes les surfaces horizontales, qui devraient être le plus dépouillées possible pour en faciliter l’entretien, sans oublier les surfaces verticales, comme les écrans. »

Les aires communes devront être exemptes d’objets non essentiels (comme les magazines et journaux). Poignées de porte et d’armoire, mains courantes, boutons d’ascenseurs et interrupteurs devront être nettoyés au moins deux fois par jour. Les salles à manger (comptoirs, tables, poignées de réfrigérateur, robinetterie, dossiers de chaises, micro-ondes, etc.) devront être nettoyées avant et après chaque utilisation, et désinfectées chaque jour.

Sans parler du lavage des mains, de l’étiquette respiratoire, de la désinfection des outils, du matériel et de l’équipement, ni de l’exclusion des personnes symptomatiques, qui vont de soi. Car la loi est claire. « Les employeurs, rappelle Diane-Gabrielle Tremblay, ont l’obligation légale d’assurer la santé et la sécurité de leurs employés au travail. Là, on parle d’une situation qui pourrait durer 18, 24 mois… ou même plus! »

3) Ventiler adéquatement

Philippe Lupien voit une autre menace dans le retour des employés sur leur lieu de travail. 

« D’après les études les plus récentes, certaines gouttelettes de très petit format, des microgouttelettes que nous projetons, resteraient en suspension, et se déplaceraient même en suivant les courants d’air. C’est ce qu’on appelle les gouttelettes de Flügge, du nom d’un chercheur allemand qui a étudié ce phénomène de propagation dès le XIXe siècle. Si leur charge virale est suffisante, sont-elles susceptibles de contaminer des personnes saines? »

Deux cas ont retenu l’attention de l’architecte dernièrement : un centre d’appels de Séoul, en Corée, et un restaurant de Gangzhou, en Chine. Le virus s’y serait propagé au gré des courants d’air. 

Son conseil? Avant de faire revenir les employés au bureau, « il faut regarder chaque aire de travail, y compris les bureaux fermés, et voir quel système de ventilation est utilisé, quitte à faire venir un architecte ou un ingénieur si les plans ne sont pas disponibles ou si l’on a des doutes, car il n’y a pas deux immeubles identiques ».

« Le meilleur système et le plus écologique, poursuit-il, est celui dans lequel l’air, partant d’un sol radiant, capte la chaleur émise par les appareils, équipements et travailleurs, puis est expulsé par le plafond. C’est le modèle le plus confortable, celui qui favorise en plus la productivité. »

4) Protéger les employés à haut risque 

« Les travailleurs de plus de 60 ans ou ceux dont la santé est fragile devraient rester chez eux, surtout qu’on a encore des doutes sur le fait que les personnes contaminées développent une forme d’immunité. S’ils doivent impérativement retourner sur le lieu de travail, poursuit Philippe Lupien, il faut bien réfléchir à l’endroit où ils seront installés. Les placer près des entrées d’air, surtout pas près des sorties. » 

« On peut aussi s’assurer, poursuit-il, que ces personnes seront placées près d’une fenêtre ouvrante, si c’est possible, pourvu qu’il y ait une pression négative et que l’air frais entre dans la pièce, et non l’inverse. Il ne faut pas qu’elles se retrouvent dans un courant d’air contaminé. »

Enfin, « il faut aussi regrouper les gens qui parlent fort ou beaucoup ensemble, en respectant une distance de sécurité ou en installant des cloisons qui feront obstacle à la propagation ». Des études menées récemment par le département de la santé et des services sociaux des États-Unis ont montré qu’une seule minute de conversation à volume élevé produit plus de 1 000 gouttelettes chargées du virus, lesquelles peuvent rester en suspension dans l’air pendant 14 minutes.

Même si l’étude n’a pas pris en compte les types de circulation d’air et les changements de température, les chercheurs ont aussi constaté que certaines personnes produisent un nombre beaucoup plus important de gouttelettes : plus de 100 000 par minute de parole.

5) Encourager le télétravail, élément clé de la vie de bureau

Ce qui doit encore se produire, selon Diane-Gabrielle Tremblay? Un changement de culture chez « de nombreux gestionnaires qui rejetaient le télétravail à cause de la nature du travail de leurs équipes, mais doivent aujourd’hui admettre que la productivité – sur le plan de la quantité comme de la qualité – est au rendez-vous. Ils doivent apprendre à encadrer les employés à distance, et non sur place comme ils le faisaient avant ».

« Ils vont devoir s’adapter : mieux structurer les objectifs, formuler des demandes plus claires, notamment en ce qui concerne le rendement attendu. Les salariés doivent aussi l’exiger pour éviter de se faire taper sur les doigts ensuite. D’ailleurs, dans le contexte actuel, il serait normal de revoir les attentes un peu à la baisse, notamment pour les parents qui ont des enfants très jeunes ou handicapés. 

« Aux gestionnaires, poursuit-elle, de motiver leurs équipes. Certains télétravailleurs se sentent parfois isolés, ou débordés. D’où les réunions en vidéo, par exemple, en petits groupes, pour donner l’occasion à tout le monde de s’exprimer. D’autres entreprises pourraient choisir de tenir occasionnellement des réunions en personne, au bureau. D’autres encore pourraient permettre à leurs employés d’y venir plus souvent s’ils le souhaitent, ou de travailler dans un local de cotravail près de chez eux, où ils auront accès à tout le matériel habituel (imprimante, photocopieur, etc.). »

Avec autant de choses à prendre en compte, impossible de ne pas prévoir des scénarios de retour graduel, conclut Philippe Lupien. « Malgré toutes ces mesures de précaution et bien qu’on puisse accomplir beaucoup de choses en télétravail, les comptables, comme les avocats ou les architectes, auront toujours besoin du contact humain. Cette présence physique est un élément clé de la confiance. »

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